Ajout en mars 2020 :
Qu'une critique sur un témoignage cinématographique essentiel de notre histoire attire si peu de monde sur SC, cela n'a rien d'étonnant...
Nous constatons une progression -que je croyais réservée à une jeunesse immature- de la banalisation des termes "nazi" ou " fasciste" .
Insulte suprême, ces mots semblent avoir connu pour certains un terrible appauvrissement sémantique qui explique un grand nombre de dérives actuelles.
Je conseille l'excellente émission "Répliques" où Finkielkraut et ses invités évoquent en particulier les dérives de ce qu'on doit appeler maintenant une idéologie "anti raciste"...
https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/histoire-memoire-et-actualite-de-lantisemitisme
Revu 10 ans après un premier choc, « Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures » de Lanzmann m’a encore profondément impressionné. Bien sûr, les faits relatés sont à eux seuls traumatisants et je crois que l’humanité ne s’est pas encore remise de cette barbarie née au cœur d’une civilisation qui se croyait moderne et éclairée.
Mais la démarche de Lanzmann est d’une honnêteté, d’un courage artistique, d’une humilité devant l’événement et d’une efficacité sans pareils.
Je ne sais pas s’il a vu « La rafle », avec son nounours qui a fait pleurer dans les chaumières, son sentimentalisme indécent… S’il l’a vu, comme il a dû être horrifié que le monde cinématographique et son public aient si peu évolué, qu’ils aient si peu profité de son expérience et de son exemple.
Lanzmann refuse toute exploitation obscène devant l’horreur de l’Holocauste. Il donne la parole au témoin de cette révolte du camp d’extermination de Sobibor et n’utilise que deux photos d’archive : une simple photo du chef de la révolte et une autre de nazis saluant les cercueils des officiers tués pendant l’insurrection. Car des images peuvent être contestées, falsifiées, certains ne s’en privent pas… La parole authentique, sans préparation, sans mise en scène, elle, ne peut être falsifiée. Alors, les panoramiques sur les paysages contemporains où ont eu lieu les événements, les lieux de mémoire filmés durant le récit du témoin disent tout : l’oubli facile et dangereux comme la mise au musée qui se débarrasse du souvenir en le statufiant.
On vit de nouveau ce que l’histoire nous a appris en laissant pourtant une distance devant l’ampleur inimaginable des faits. On entend ces cris des oies que les nazis utilisaient pour couvrir les cris des premiers tués afin de ne pas créer de panique chez ceux qui attendaient leur tour. En respectant la parole, simple, sans fioriture, , « Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures » fait ce pour quoi le cinéma obtient ses lettres de noblesse : rendre présent l’indicible.