On aurait tort de voir en Solange et les vivants le film d'une Youtubeuse qui s'essaye au cinéma. Avant de devenir Solange, personnage auto-fictionnel dont les vidéos atteignent parfois le million de vues et dont les textes se trouvent désormais en librairie, Ina Mihalache ambitionnait d'être comédienne ; on l'a ainsi vue dans le court métrage de Mathieu Amalric, Deux cages sans oiseaux, lors de la promo Talents Cannes 2007, dont faisait également partie Léa Seydoux.


Il est d'ailleurs intéressant de rapprocher ce court, dans lequel Ina joue une comédienne clouée dans son canapé par une dépression mystique, et ce long métrage en forme de prequel au phénomène Solange Te Parle, dans lequel la jeune artiste développe son personnage de grande inadaptée au monde terrorisée à l'idée de sortir de chez elle. En près d'une décennie, Ina aura dessiné le parcours d'une jeune femme rêveuse dont le talent certain est sans cesse contrarié par des angoisses qui la terrassent.


Solange et les vivants avance en une succession de chapitres aux jolis cartons qui confèrent à ce quasi moyen métrage (à peine plus d'une heure) un drôle de côté film à sketchs. Ce parti pris formel trahit les influences web d'une artiste polyvalente qui a depuis des années l'habitude de créer sous un format Youtube très calibré (elle réalise/monte/habille/interprète elle-même toutes ses vidéos, et ce film, tourné dans les mêmes décors de son appartement que ses fans connaissent par cœur, peut être pitché comme une version longue d'un épisode de Solange Te Parle) ; mais ces marqueurs visuels, aussi esthétiques qu'ils soient, morcellent inutilement une narration qui s'en serait très bien passé.


Ce découpage inutile participe sans doute aux quelques longueurs que l'on ressent - comme c'est souvent le cas face à un film qui interrompt régulièrement son rythme pour annoncer la suite -, et le jeu des comédiens, pour la plupart amateurs, manque parfois de justesse.


Mais ce sont finalement les qualités de Solange et les vivants qui l'emportent : l'interprétation gracieuse et fragile de son héroïne, l'atmosphère délicate et mélancolique que viennent appuyer une photographie assez maîtrisée et le choix des nombreux plans séquences fixes, l'humour absurde et tendrement dépressif qui habille cette histoire inachevée (car encore en cours), l'aspect hybride d'une oeuvre qui ressemble autant à une capsule Youtube auteuriste géante qu'à une fable moderne poétique sur les petits bobos des Bobos qui se frottent aux grands maux de trajectoires plus populaires.


Au final, je suis ravi de me voir remercié au générique pour avoir (modestement) participé au financement de ce film à l'image de son auteure : maladroit et ampoulé par moments, touchant, décalé et irrésistible le reste du temps.

AlexandreAgnes
7
Écrit par

Créée

le 20 juil. 2016

Critique lue 416 fois

1 j'aime

Alex

Écrit par

Critique lue 416 fois

1

D'autres avis sur Solange et les Vivants

Solange et les Vivants
Le_Guide_Barbu
5

Des tourterelles plein le coeur

Solange et les Vivants est la préquelle des aventures de Solange sur internet (Solange te parle), en tant que tel, je pensais que le film serait plus qu'un liant avec Solange te parle, mais pas...

le 17 mars 2016

7 j'aime

4

Solange et les Vivants
DeanMoriarty
7

A star is born

Au grès de ses nombreuses vidéos sorties sur internet, Ina Mihalache s’est construit un véritable personnage qu’elle s’amuse à représenter dans différentes situations. Solange – c’est son nom – est...

le 20 mars 2016

6 j'aime

Solange et les Vivants
CinMathias
1

Solange et le cinéma

Solange et les Vivants, c'est un objet qui n'est ni un énième podcast Youtube, ni un film avec un enjeu déterminé par un objectif clair du personnage principal et des obstacles qui en découlent. Ce...

le 19 avr. 2016

4 j'aime

Du même critique

Au revoir là-haut
AlexandreAgnes
9

On dit décidément MONSIEUR Dupontel !

La Rochelle, 26 juin. Jour de mon anniversaire et de l'avant-première de Au revoir là-haut en présence d'Albert Dupontel. Lorsqu'il entre dans la salle à la fin de la projection, le public...

Par

le 27 juin 2017

54 j'aime

4

Mektoub, My Love : Canto uno
AlexandreAgnes
4

Si "le travelling est affaire de morale", ici le panoramique vertical est affaire de vice

Je n'accorde habituellement que très peu de crédit au vieux débat clivant qui oppose bêtement cinéma populaire et cinéma d'auteur (comme si les deux étaient deux genres définitivement distincts et...

Par

le 27 mars 2018

50 j'aime

19

Arès
AlexandreAgnes
6

Ne pas jeter bébé avec l'eau du bain

Voilà un long métrage qui, en apparence, accumule les défauts : une erreur monumentale dans le choix de la date dès le carton d'ouverture (l'action se situe dans un Paris post-apocalyptique...

Par

le 24 nov. 2016

43 j'aime