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Un drame psychologique dans l'espace chargé en réflexions et en questionnements humains.

Tiré du roman de Stanislav Lem, le film d’Andrei Tarkovsky intrigue le spectateur avec toute une série de réflexions et de questionnements – parfois sans réponses – sur l’être humain et sur sa place dans l’univers. Un questionnement déjà présent dans le « 2001, L’Odyssée de l’Espace » de Kubrick, qui présentait l’être humain du futur avec une certaine ironie. Tant de savoirs, de technologies et d’éléments complexes inventés par l’homme, et pourtant l’être humain demeure un élément si fragile, petit face à la grandiosité de l’univers, perplexe face à ce qu’il ne comprend pas (tel le monolithe inconnu), seul et perdu dans des espaces vides, jusqu’à être victime de sa propre création, tel l’ordinateur Hal 9000 qui n’est au final qu’un outil d’auto-destruction plus évolué que les armes utilisées par les premiers êtres humains sur Terre.


La différence dans « Solaris » est l’approche et le point de vue que donne Tarkovsky au récit. Le côté froid de la science et des technologies est ici rejeté par le réalisateur qui ne les aborde qu’avec abstraction, employant des termes souvent flous pour le spectateur. L’important pour lui, c’est avant tout l’être humain et son comportement vis-à-vis des autres, le tout confronté avec l’existence certaine d’un monde inconnu (l’espace) plus grand que nous. Même si le personnage de Kris Kelvin part sur la station Solaris pour résoudre un problème d’incompréhension scientifique face à une mystérieuse planète, ce n’est pas dans la science qu’il trouvera la clé du problème. Bien vite, la communication avec la planète se matérialise à travers l'apparition de Khari, l’amour perdu de Kris revenue d'entre les morts. Son parcours devient psychologique (c’est d’ailleurs un psychologue) et il évoluera à travers ses interactions avec Khari et le reste de l’équipage.


Dans un certain sens, nous pouvons critiquer « Solaris » comme n’étant pas une œuvre de science-fiction à part entière. Il y a notamment une certaine frustration à ne pas découvrir beaucoup d’éléments de science-fiction à force de rester cloîtré dans cette station (dont l’aspect des décors et des costumes a par ailleurs mal vieilli), sans contact direct avec la planète extérieure (à mi-chemin entre une mer palpable et un nuage de fumée abstrait), et ce malgré quelques images fortes telle la séquence d’apesanteur. Même si certains éléments s’y retrouvent, les codes « classiques » de la science-fiction sont presque inexistants. Car « Solaris » est avant tout le parcours d’un homme livré à ses démons du passé (qu’ils se manifestent dans l’espace ou ailleurs) et tend plus vers le drame psychologique dans le futur que vers la science-fiction. Car « Solaris » apporte bien plus d’éléments sur la psychologie de ses personnages que sur l’aspect futuriste abordé avec trop de concepts flous, lesquels peuvent nous laisser perplexe face à l’absence d’explications rationnelles compréhensibles.


À noter que le remake de Soderbergh en 2002 va encore plus loin dans ce sens en effaçant encore plus l’aspect scientifique et en proposant une fin différente:


la version de Soderbergh propose un "Happy End" à la love story du couple qui s’est retrouvé et décide de continuer à vivre dans l’amour, faisant ainsi fi du monde réel. Ce n'est pas du tout le cas dans le film de Tarkovsky car la véritable Khari est morte et il faut accepter sa mort...


« Solaris », c’est un peu le mythe d’Orphée et Eurydice transposé dans le « Huis-Clos » de Jean-Paul Sartre : deux amants perdus, un vivant et une morte, qui se retrouvent dans un espace fermé et isolé, se questionnent, se heurtent à leurs souffrances passées, s’expérimentent et se re-découvrent. La question du sens de l’existence se pose. Il y a dans le « Solaris » de Tarkovsky un sous-texte existentialiste (peut-être pas présenté comme tel mais fortement similaire) qui nous "éclaire" et apporte de la lumière (d’où le titre) sur le sens profond de l’existence.


Isolé dans l’espace et en proie à ses douleurs passées, Kris se redécouvre. Ce n’est que par le dialogue avec les scientifiques de la station et l’acceptation de Khari (soit l'image matérialisée de sa douleur profonde) qu’il s’acquittera de ses souffrances.


Froid et distant en début de film, Kris devient un être éclairé et aimant à la fin. Au terme de son séjour, il ne cherche pas (comme dans le remake) à rester avec Khari car elle est morte dans la vraie vie. Il est au contraire temps pour lui « d’atterrir », de retourner sur Terre, d’accepter son passé et de rebondir pour appréhender son destin différemment.


Cette prise de conscience lui a ouvert l’esprit. Il était temps de rentrer chez lui et de retrouver ses autres proches – bien vivants eux – qui ont de l’importance pour lui. Il s’agenouille ainsi devant son père qu’il retrouve avec un regard nouveau. La pluie tombe sur celui-ci. Peut-être que les jours de son père son comptés ; lui n’a pas vécu l’expérience de Kris, toute la relation est à recommencer avec lui… Est-il encore temps ? L’avenir est incertain, mais il est temps de pardonner, d’assumer la réalité des choses, d’accepter la mortalité des êtres et de rebondir sur le passé pour profiter humblement de chaque instant présent sur cette Terre si abstraite, complexe et si petite, telle une île perdue au milieu d’un océan de mystères…

Ciné-Look
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le 2 janv. 2017

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