"La solaristique est en crise", ne cessent de répéter les personnages pendant l'introduction tout à fait terrestre du Solaris de Tarkovski. D'emblée, le parti pris de la métaphore est exprimé et va définir toute la thématique centrale d'un film qui n'a recours à la science-fiction que dans un but allégorique. Car la science fictive, qui porte sur l'étude de la planète Solaris, à même de susciter des hallucinations issues de la conscience des protagonistes, est en réalité directement amalgamée à la métaphysique, et à deux manières de l'aborder : considérer que l'Océan relève de l'inconnaissable, et dés lors toute tentative de l'aborder scientifiquement est une abérration, et celle qui consiste à penser que l'humain peut, et doit, aspirer à connaître l'Absolu. Opposition dont le point de jonction est le personnage central, Kris Kelvin, tiraillé entre les deux conceptions de Snaut et Sartorius.

Pourtant, outre cette gigantesque métaphore, qui n'ose jamais évoquer la présence du Divin, n'est pas la seule finalité de ce huit clos contemplatif. L'introspection, le voyage au coeur de soi, est l'autre tenant du récit : la conscience meurtrie du protagoniste, illustrée par la réapparition d'un amour passé qui torture ce psychologue désabusé, en proie à sa mauvaise conscience à et sa mélancolie permanente. Un tiraillement qui est formidablement illustré par un parti pris esthétique d'une évidence formelle sans commune mesure : minimaliste à souhait, jouant sur les oppositions de couleur avec une grande subtilité, la photographie se veut à la fois inquiétante et inspirée dans sa représentation de la station spatiale désertée, symbole de l'arrogance positiviste, et bucolique dans la représentation de la nature terrestre, qui incarne la quiétude à laquelle il est facile d'accéder si l'on met de côté l'aspiration à l'inconditionnel. "Les plus heureux sont ceux qui ne se sont jamais interrogés là-dessus. Car y penser revient à connaître la date de sa mort. Quand cette échéance reste inconnue, c'est comme si nous étions immortels."
Jben
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le 18 juil. 2013

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Jben

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