Ouf ! On est en 2023 et la catastrophe annoncée dans Soleil Vert pour 2022 n'a pas eu lieu. D'autant qu'en réalité, les jeunes de 2022 (dans le film) n'ont jamais connu la société d'avant, signifiant que la catastrophe était déjà en place une bonne vingtaine d'années auparavant. Ouf ! On est donc sauvés…
Heu, vraiment ? Car la population mondiale ne cesse d'augmenter, les écarts entre pays riches et pauvres ne sont pas partis pour se réduire et le réchauffement climatique, qu'il soit lié à l'Homme ou non, est aussi dans une phase ascendante. Sans vouloir faire du catastrophisme, il n'y a pas de quoi pavoiser.
Mais revenons au film qui est basé sur un roman écrit en 1966 (que je n'ai pas lu). Il importe de se replacer dans les années 70 où le réchauffement climatique n'était pas le souci dominant. Pour la petite histoire, j'ai même souvenir qu'il y avait des hypothèses sérieuses de refroidissement qui, avec les limites annoncées des réserves de pétrole, étaient tout aussi inquiétantes …
Par contre, on commençait à parler des méfaits de la croissance, des inquiétudes liées à la guerre froide avec des conséquences géopolitiques un peu partout dans le monde. Dès le début des années 70, la croissance avait connu des hoquets entrainant du chômage, de l'inflation et surtout de l'inquiétude dans les pays dits développés. La guerre du Kippour qui entraina en 1973 le premier choc pétrolier exacerba encore les problèmes économiques et montra au moins au monde occidental, une fragilité inattendue de nos sociétés et une idée de leurs limites.
Regarder le film aujourd'hui avec le contexte – avéré – de réchauffement climatique ajouté aux risques liés à l'augmentation exponentielle de la population mondiale rend le film prémonitoire. "On vous l'avez bien dit…"
La mise en scène de Richard Fleischer, baignée dans une chaude couleur orangée ou ocre, qui oppose deux populations, l'une miséreuse et affamée et l'autre, ultra favorisée et vivant dans le luxe, est très efficace. L'exemple de Charlon Heston, chargé d'une enquête policière, qui rêve et profite d'une douche chaude et d'un appartement avec de l'air conditionné, est assez convaincant. De même l'émotion du vieux Sol Roth (EG Robinson) devant un morceau de viande ou une feuille de salade.
La société décrite par Fleischer est tout aussi terrible. Je ne parle même pas de la "populace" (excusez le terme) qui vit n'importe comment, semble résignée et est férocement réprimée. Je parle aussi de la société dominante qui est définie par "Quelle est sa profession ? Ben, il est riche". Certes, c'est le grand luxe, ils ont droit aux bonnes nourritures, mais cette société est terriblement pathétique avec ces femmes, belles, qui ne sont que des objets, des "mobiliers" dont la seule fonction est sexuelle. Quant à la catégorie intermédiaire représentée par la police, au service des dominants est à peine plus favorisée que la population. Elle se sucre au passage et ponctionne très naturellement les locataires riches.
Et je ne parle pas des programmes d'euthanasie volontaire où le "client" vit un dernier moment de bonheur intense dans une ambiance bucolique au son de la symphonie pastorale de Beethoven …
Efficace et captivant film que ce "Soleil Vert" de Richard Fleischer avec un casting impeccable que ce soit Charlton Heston, EG Robinson très malade et dont c'est le dernier film, Leigh Taylor-Young dans le rôle d'un mobilier (je ne connais pas ) et Joseph Cotten dans le rôle d'un riche …