Il paraît que la production de Solo fut des plus chaotiques, mais cela mérite-t-il de s’y attarder ? Au même titre que son bel échec au box-office, peut-être dû à un calendrier peu judicieux, les fondements mêmes de cette seconde œuvre estampillée « A Star Wars Story » interrogent quant à la légitimité d’un tel spin-off : car là où Rogue One s’insérait intelligemment, avec un certain brio, entre les opus III et IV, les prétentions d’origin-story de ce dernier film dénotaient d’emblée.
Résumons la chose : en s’attaquant à la « naissance » de Han, Solo attentait à tout un pan iconique de la saga au risque d’en amoindrir, rétroactivement, sa savoureuse sève. De façon plus générique, et insidieuse, il était à craindre que le long-métrage ne « vive et meurt » au rythme d’une myriade de références à un futur nous étant familier, échouant de la sorte à s’imposer par lui-même... ce que faisait plutôt bien Rogue One, encore lui.
Spoiler : Solo embrasse sans sourciller ces deux écueils. D’abord, et ce sans surprise, parce que ce bref condensé de la jeunesse du « Gentil vaurien » égratigne sans malice la symbolique et le mystère dont il se parait ; avant d’évoquer les limites d’une intrigue « originale », il tient également de l’évidence que le film verse dans l’excès de ponts le liant à l’épisode IV, un procédé redondant parfois pertinent (Chewbacca, le Faucon) mais dont le zèle et un manque de jugeote patent (l’ultime passerelle avec la Résistance fait grise mine) invalide sa réussite.
Pris en tant qu’entité unique, ce long-métrage du trop sage Ron Howard (annonciateur d’une prise de risque minimale) pèche de toute manière dans le fond : condensant en un laps de temps très court trop de choses, le spectateur en vient à penser que l’illustre pilote n’aura eu besoin que de deux heures de pellicules pour construire sa « légende »... trois petites années (et encore, compte tenu de l’ellipse) de hauts faits puis mise en sourdine d’ici Un Nouvel Espoir en somme.
Intrinsèquement, la trame dont se pare Solo est de surcroît des plus classiques, marquée du sceau du prévisible et du fade. Finalement, seul les revirements du personnage de Qi’Ra rehaussent le tout, qui plus est supports d’un contraste prononcé avec la naïveté criante de principal intéressé. Mais pour le reste... que de facilités et autres incohérences ! L’immensité de la galaxie se voit notamment foulée du pied pour les besoins du scénario (« Oh ben t’es là meuf, trois années et masse d’années-lumière ne sauraient contrarier la force de mon amour pour toi blablabla), Han sort d’où on ne sait où ses talents de pilote et même ses prédispositions polyglottes (dommage, car l’introduction de son comparse poilue était pêchue), l’acquisition du Faucon est téléphonée à souhait... et j’en passe et des meilleurs.
Oh, si, notons l’apparition wtf du poulpe spatial, totalement artificielle en sa qualité de péripétie accessoire (à croire que le cahier des charges mentionnait « Un gros bestiau bouffant du spaceship » ligne 17 page 42)... puis vient le clou du pestacle, la cerise sur la gâterie, le point d’ogre des références et appels du pied à une suite dont on se serait bien passé : l’apparition de Dark Maul. Inutile de s’appesantir davantage sur le sujet.
Bref, tout ceci conjugué à la réalisation décidément plate de ce bon Howard, et voici que Solo échoue sur toute la ligne à développer tout semblant d’unicité : coupable de pauvreté dans la forme et de paresse sur le fond, seul subsiste un petit divertissement acceptable et, probablement, desservi par l’héritage qu’invoque Star Wars. Réservons tout de même un bon point au casting, à commencer par un Alden Ehrenreich s’en tirant plutôt bien contre toute attente.