Lorsqu'on suivait non sans une certaine crainte, les diverses péripéties entourant la production chaotique de Solo, on était en droit de s'inquiéter... Les fuites n'auguraient rien de bon, elles parlaient d'un acteur à moitié désavoué, un scénariste en guerre contre les réalisateurs, ces mêmes-réalisateurs finalement congédiés au profit de Ron Howard, vieux baroudeur d'Holywood à la filmographie inégale, mais qu'on sait intrinsèquement talentueux. Bref, "we had a bad feeling about this" pour paraphraser le héros du jour...
Reste que Solo: A Star Wars Movie n'est en ce qui me concerne, pas du tout la catastrophe annoncée. Je dirais même qu'il s'en sort pas trop mal le bougre. Grâce à la tchatche du célèbre vaurien de l'espace ? Non. Clairement non. Alden Ehrenreich n'a pas la moitié du quart du charisme d'Harrisson Ford. Bien sûr vous me direz, mais je m'attendais malgré les rumeurs concernant la faiblesse de son jeu à davantage de bagout, de défiance et d'arrogance envers les autres personnages, qu'il se la joue "cocky" comme disent les Anglos-Saxons. Le résultat est satisfaisant, sans plus. L'acteur jouant Solo dans sa prime jeunesse donne une version un brin insipide, plus romantique et idéaliste sans doute, mais heureusement pour nous, ils n'essaye pas de s'insérer dans le costume légendaire, tentative maladroite qui de fait lui aurait été fatale.
Non, si Solo tient la route, c'est avant tout grâce à son premier tiers, lui d'excellente facture. L'introduction sur Corellia ouvre efficacement le film, le soin apporté aux détails de cette planète rend tangible notre (ré)immersion dans l'univers Star Wars. On découvre une sorte d'immense chantier naval, version stellaire, constitué de bâtiments industriels, de sombres couloirs fumants et d'un omniprésent brouillard opaque. Un imaginaire presque réaliste, prenant, et si l'étalonnage n'avait pas été aussi mal fichu -problème récurrent du film d'ailleurs, jamais le rendu n'est optimal, on est soit devant du beaucoup trop sombre ou du beaucoup trop éclairé (souci en post-prod ?)- ce début d'aventure rythmé et nerveux chamboulait les pronostics d'accidents cinématographique.
Le seconde séquence du film, elle, donne à Solo sa véritable tonalité: Le western. On assiste donc en toute logique à un élément fondamental de ce genre, revisité lui aussi: la scène de train. De nouveau, du rythme et du rebondissement, montage efficace et impactant, ce Solo ferait-il taire la mauvaise presse dont il fut la victime dès sa sortie ?
Malheureusement ce n'est pas le cas. les choses se gâtent à la sortie du rail ... Les deux tiers suivants du film enchaînent scènes d'actions poussives et dialogues dignes d'un épisode de série Netflix lambda. Quel dommage de n'avoir su garder tout le long de Solo, ce charme tonitruant et suranné du début, comme accroché au film tel un Mynock à la carlingue du Faucon Millenium. Le méchant du film, par exemple, incarne bien ce coté presque désuet. Paul Bettany cabotine, certes, mais cette outrance rappelle celle des bads guys aux dents qui rayent le parquet des grattes-ciels new-yorkais des années 80. Gros mais sympathique.
Lando Calrissian, lui aussi déçoit, et la (les) scène(s) du fameux jeu Sabacc, à l'instar du mythique Raid de Kessel , se situent tellement loin, à des années-lumières probablement, de nos fantasmes de fan de Star Wars. On retrouve ici le principal écueil de Solo, propre aux mauvais biopics il faut bien le dire: le film explicite absolument tous les éléments qui font ce qu'est Han Solo. La démythification est totale, et les réponses, frustrantes...
Solo: A Star Wars Movie malgré une kyrielle intersidérale de défauts, plus ou moins gros, s'en sort. De justesse. Un poil à ras de Wookie. J'aurais juste aimé qu'il se souvienne que le hors champ, technique judicieuse pour motiver l'imagination au cinéma, fonctionne également lorsqu'il s'agit de raconter la genèse d'un Héros dans un nouveau film.
Il ne faut pas tout dire. Encore moins tout montrer.