Qu'un parolier (romancier et, ici, acteur) signe le scénario n’est pas étranger à la beauté de la romance tumultueuse de Sometimes... Like a Prostitute.

Ce texte en vidéo : https://youtu.be/v3F0zYdDlhs

Ryōsuke est un malade cardiaque traumatisé par le suicide d’une ex devenue folle. Pour lui, le sexe est dangereux. Marié à la fringante Mako, leurs caractères diffèrent entre la romantique enjouée et le travailleur sérieux, provocant éloignements et rapprochements dans leur romance immature. Et les trajets de se multiplier, seul ou à deux ou seuls à deux, comme une envie de bouger qui ne les mène nulle-part. À l’instar de la chanson récurrente qui ne dépasse pas les premiers vers jusqu’à ce que la guitare se brise.

Les tropes de ce genre d’histoires sont présents et très soignés. Dans la rue, la rupture s’exprime par les feux de signalisation, le trafic automobile encombre le plan quand il n’est pas strié par des câbles électriques. Une scène qui finit par la cruauté d’une vitre violemment fermée sur une main amoureuse et le beau reflet superposant regard dur et œil humide de la triste beauté malmenée d’Eri Kanuma. Une réconciliation se concrétise dans des envolées lyriques de piano et violon finalement étouffées par le vrombissement des vagues.

Masaru Konuma a le sens de la fulgurance lyrique qui s’accorde bien avec une poésie des situations et dialogues qu’apporte Rei Nakanishi. Ce traducteur du Diable au corps à retenu la leçon de Radiguet et propose un sadomasochisme plus psychologique que fétichiste car débarrassé des oripeaux du bdsm des plus gros succès de Konuma.

La frustration intériorisée et cachée derrière un masque de nonchalance, Ryōsuke a la confrontation fuyante et assure sa domination par des cadeaux empoisonnés. Comme un vibromasseur (télécommandé forcément), objet stérile pour contredire un désir d’enfant. Ce qui donne lieu à de belles étrangetés comme lorsqu’il adopte une jeune folle ramassée dans un parc comme une chatte errante. Évocation de son précédent amour et esprit perdu dans la brume en miroir au propre enfermement de Ryōsuke. Une énième provocation envers sa compagne, sans élever la voix.

Roman Porno oblige, de parents et enfant de substitution, la relation vire à l'inceste dans un joli amas fusionnel de corps nu, seul résidu des obsessions sadiennes du réalisateur.

Quand les yeux mouillent, on actionne les essuie-glaces. Les métaphores filent à l’image et dans le texte. Comme la vision du passé, derrière des barreaux, en travelling compensé qui recule puis avance en hoquetant, indécis. Ou quand des considérations sur les poissons et les bateaux distants répondent à une déclaration d’amour. Ou encore comme les rimes visuelles, réminiscence par la couleur d’un passé entre vert réconfortant et rouge dangereux.

Le sens du titre me semble plus obscur et ne correspond pas aux paroles de la chanson éponyme, assurément la prostituée n’est pas Mako : l’argent circule dans les mains d’hommes, salaire payé en large somme liquide par son éditeur autre moyen de domination dans le couple, et un ami se compromet dans l’opulence avec les truands ennemis.

Après tous ces tumultes, l’épiphanie vient tardivement. L’image du masque de Nō impassible qui poursuit le renfermé Ryōsuke vole en éclat quand, à un festival, il se dépense enfin dans la danse (magnifique scène de transe au milieu de la foule, des lumières, des tambours et des chants) comme la gracile Mako l'y invitait.

Mais d’un masque à un autre, le voici affublé de celui du tyran colérique de l’opéra chinois plus proche de sa personnalité réelle. Et Mako gagne à la sueur de son corps ses ailes émancipatrices avec un masque de papillon.

Fascinant Roman Porno regardé tardivement à cause de son très mauvais 4,1 de moyenne sur les 81 notes d’IMDB. Croyez-moi, j’ai raison et tous les autres ont tort – en espérant que ce soit des bots, sûrement à la solde du Kremlin ou de Pékin pour être à ce point insensibles à la triste beauté malmenée d’Eri Kanuma et au bouleversant lyrisme de Sometimes... Like a Prostitute.

J'suis tombé amoureux du thème musical : https://youtu.be/NP0ikcANE8I

Créée

le 29 août 2022

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Homdepaille

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