La retraite, oui mais pourquoi faire ?

Nouveau chantier ouvert avec le cinéma de Takeshi Kitano ; après une brève hésitation, je décide de commencer par "Sonatine, mélodie mortelle" qui est un peu à part dans la filmographie du cinéaste mais qui contient aussi beaucoup des traits caractéristiques de Kitano.

À commencer par le milieu dans lequel évoluent la plupart de ses films toujours proches des yakuzas. Ou proche des flics mais, même dans ce cas, on finit par tomber sur des yakuzas (Hana-bi)…

Il faut avouer que ce cinéma donne une image du japon moderne assez étroite. Mais ce cinéma est assez fascinant. Ne serait-ce que par l'acteur principal qui est Takeshi Kitano lui-même avec sa démarche "lourde" et son visage inexpressif qu'on reconnait entre tous.

Là, Kitano interprète le rôle d'un yakuza un peu au bout du rouleau. Il parle de retraite après une longue et méritante carrière dans une noble activité d'extorsion de fond, de prostitution, de jeux, d'usure etc … Mais surtout, il a un problème avec la relève qui le perturbe avec ces petits jeunes délinquants incompétents mais qui s'y croient. Le pire, c'est qu'on lui ordonne d'aller à Okinawa encadrer quelques jeunes pour contribuer à régler un différent entre deux bandes rivales. Et après une fusillade (bien sanglante), la bande se met au vert, au bord d'une plage. Et jeunes et vieux apprennent à se connaître, à se mesurer et à s'apprécier. Pour tuer le temps, ils font des combats de sumo, du théâtre traditionnel, des blagues de potache ou des jeux de frisbee (qu'ils essaient d'atteindre au revolver)

Ce jeu de frisbee, d'ailleurs, m'a interpellé. Le frisbee est rouge et une fois lancé dans le ciel lumineux, il fait irrésistiblement penser au drapeau nippon … Alors, tenter de l'atteindre au revolver me parait être un peu du domaine de la provocation et de l'outrecuidance … Les choses ont bien changé au Japon, semble-t-il …

C'est facile de dire que ce film est un film sur l'attente entre deux missions (violentes) où l'on retrouve le Kitano habituel mais c'est beaucoup plus que ça : c'est une amorce de réflexion sur la finalité d'une vie de yakuza remplie de violence ; la retraite mais pour quoi faire si c'est pour ressasser toutes les ignominies commises alors qu'on est brusquement (socialement) plus rien ; et c'est toute l'ambiguïté du personnage principal qui est fatigué mais qui n'espère plus rien de la vie. Pourtant une femme qu'il sauve d'un mari violent pourrait justement lui apporter cet espoir ou cette raison de vivre d'autant qu'elle se rapproche peu à peu de lui (sous le regard amusé des jeunes). Mais en a-t-il seulement envie ?

La bande originale, obsédante, , tour à tour intense et légère, signée Joe Hisaishi, accompagne bien le film.

En conclusion, film sans concession (comme toujours chez Kitano) mais rempli d'une sorte de nostalgie, masquée derrière un écran d'humour pince-sans -rire, un peu lourd… On est quand même pudique chez Kitano !