On dirait que ce film est fait dans le même moule que le précédent (I, Daniel Blake). Cependant le précédent avait été palme d'or à Cannes et gagne ainsi un peu de notoriété et de visibilité, là où celui-la ne sera vu que par les inconditionnels de Loach déjà acquis à sa cause. Parce qu'en fait là, plus que les personnages, c'est bel et bien la situation décrite qui est intéressante. Ici on suit une famille qui aurait pu être n'importe quelle famille, puisqu'elle n'est pas réellement le sujet du film, le sujet c'est bel et bien ces entreprises modernes qui poussent leurs salariés à être à leur compte, en leur faisant croire qu'ils sont indépendants... là où en réalité c'est juste une forme de précarité...
Tout comme dans Danier Blake ce qui était intéressant, plus que le destin tragique de ce petit vieux, c'était le système inhumain dépeint en toile de fond qui était intéressant.
Et c'est la force et la faiblesse du film, je veux dire que c'est assez violent, on voit bien toutes les dérives (comme dans un bel exposé) de telles méthodes managériales, de cette façon de procéder où l'on ne recrute plus, mais où l'on a des partenaires franchisés... Et clairement difficile de ressortir du film en ayant la moindre opinion positive de cette ubérisation de notre société.
Malheureusement, vu que le système qui est dépeint est plus intéressant que cette famille à la trajectoire prévisible, on perd en émotion ce que l'on a gagné en exhaustivité du côté "exposé". Je ne dis pas là qu'il n'y a pas une ou deux séquences poignantes et tristes qui fonctionnent, mais disons que je me sens pas forcément autant investi que j'aurais pu l'être.
Reste que j'aime le côté désespéré du film, l'impossibilité de s'en sortir, comment cette entreprise et ses méthodes finissent par détruire les liens familiaux, comment le retour en arrière devient de moins en moins possible.
Disons que socialement le message est fort et j'aime le film pour ça, parce que ça prend aux tripes, mais cinématographiquement ça aurait pu être mieux, notamment au niveau des personnages, de leur écriture... quelque chose de plus imprévisible aurait été bienvenu.