Suddenly, Last Summer s'articule comme un exemple du film psychologique, déconstruisant chaque personnage sous l'emprise passée d'un poète, dévoré par son pouvoir. Entre soupçons d'une relation incestueuse mère-fils et folie passagère de celle que l'on veut lobotomiser, le médecin incarné par le grand Montgomery Clift devient le détective pour rétablir une vérité.
C'est ainsi que se déploie le génie, aujourd'hui bien connu, du cinéma de Joseph L. Mankiewicz, celui du mystère lié à la psychologie imprenable de ses personnages. Le poète disparu agissait déjà tel un vampire, attrayant l'un et l'autre par le regard. Mankiewicz s'en sert pour le recontextualiser avec le médecin, par les zooms et travellings avant/arrière, lui qui comme le fils et cousin saisissait par ses yeux l'attention de la femme.
Katharine Hepburn, incarne la mère refusant de voir l'évidence de la disparition, accusant celle qui lui a volé son amour illégitime et immoral. Cette dualité de femmes côtoie peut-être leur plus grande insatisfaction, celle de l'indifférence du jeune homme que l'on ne montre pas à l'occasion du souvenir, toujours en hors-champ. Pour le reste, Suddenly, Last Summer est une merveille formelle, le metteur en scène dépassant le strict cadre du texte en laissant ses personnages respirer, ou cloisonnés au plan fixe, zoom. Ce dispositif est présent jusqu'à la dernière scène finale, très signifiante, où l'une est rendue scellée dans une cage d'ascenseur, alors que l'autre continue de respirer l'air du jardin abritant le fantôme.
Le passé des acteurs est un élément que Mankiewicz a pu ressasser à raison de la condition psychologique des personnages, entre Clift ressortant d'une paralysie après un accident de voiture, Hepburn tout juste séparée de Spencer Tracy ou même Liz Taylor qui venait de perdre son mari. Cette intention toute particulière, participe à la qualité toujours irréprochable de la direction d'acteur made in Mankiewicz, saisissante et dépassant la vision théâtrale d'origine.
Un film passionnant, oui.