Adaptation à l’écran d’une pièce de théâtre de Tennessee Williams, « Soudain l’été dernier » ne cherche jamais à dissimuler ses origines. Bien au contraire, il les assume fièrement et les met consciencieusement en pratique dès la première rencontre entre Violet Venable et le Dr Cukrowicz. Romancé à outrance, ampoulé, exagéré, cet échange est théâtral ni plus ni moins.
Il en va de même pour l’ensemble de l’œuvre. Les interminables monologues succèdent aux joutes verbales rapides et cadencées. Une machine bien huilée. Un régal pour l’amateur.
Mankiewicz ne s’embarrasse pas de réalisme.
C’eut été fatale erreur que de tenter la rationalisation d’une telle histoire. La trame narrative, conçue et pensée pour un développement sur les planches, aurait assurément tourné au ridicule.
Alors le réalisateur intelligent assume. Il fait un choix courageux, différent et ne dévie jamais, jusqu’à l’extraordinaire final, de sa ligne directrice.
Les dialogues tiennent évidemment une place importante. Ils sont la pièce maîtresse du film, sa colonne vertébrale. Finement écrits, incisifs, ils imposent un rythme sauvage et hypnotique.
Mais au cinéma, comme au théâtre, un texte n’est rien sans interprète.
Et le moins que l’on puisse dire c’est que Mankiewicz a su s’entourer et distribuer intelligemment ces rôles exigeants. L’infernal trio constitué d’Elizabeth Taylor, Montgomery Clift et Katharine Hepburn fait des merveilles. Véritablement habités par leurs rôles respectifs, ils donnent une saveur particulière aux diverses rencontres que leur offre le scénario.
Surtout, ils offrent une véritable évolution à leurs personnages. Ainsi, Violet, drapée de mystère et débordante de charisme au commencement, voit sa carapace se fendre au gré des révélations narratives. Katharine Hepburn est formidable de maîtrise et retranscrit, sur ce visage offert en pâture au spectateur par un réalisateur sans pitié, la triste faiblesse d’une femme brisée à l’esprit ravagé.
A l’inverse, la fragile Catherine s’affirme rapidement comme une personnalité riche, troublée et inquiétante.
Quand à ce bon docteur, il oscille constamment entre professionnalisme et rapprochements douteux sans se départir d’un flegme tout britannique.
Pourtant, Mankiewicz fait bien plus qu’emprunter au théâtre. Certes il lui vole nombre de ses codes, certaines astuces de mise en scène, une ambiance générale. Mais il offre à cette pièce ce que le théâtre ne pourra jamais lui donner. Il lui rend le plus beau des hommages. Il lui offre le cinéma.
Et sa magie.
Il lui offre plongée et contre-plongée. Travelling et plans fixes. Plans serrés et plans d’ensemble. Il lui offre une dynamique ininterrompue, une intensité inégalable. Il propose une subjectivité bienvenue.
L’implication du spectateur n’en est que plus grande. Le cinéma humanise cette rocambolesque aventure, donne vie aux membres de cette famille.
Plus qu’une banale interprétation, Mankiewicz propose ici une œuvre hybride. Cinéma et théâtre en parfaite symbiose. Le pari audacieux, réunir le meilleur des deux mondes, est réussi et donne naissance à un film marquant, inoubliable.
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