Difficile de réunir ses impressions sur un film qui exploite des idées passionnantes (contamination du réel documentaire par le merveilleux, mystère du cinéma apte à transformer le réel et à suggérer l'invisible), essaie beaucoup de choses sans trop chercher à les consolider (travail sur le hors champ, suggére l'improvisation...). Amusant ce bout de ficelle demandé à Giorgi sur le pont par deux inconnus, et qui devront finalement s'adresser à Lisa située non loin pour l'obtenir. L'objet sera utilisé de manière humoristique, pour exécuter un tour de magie, illustrant semble-t'il l'attirance pour une illusion (reflet du couple métamorphosé !). Et au-delà une "interrogation" sur le mystère des mécanismes du sentiment amoureux: les plans suivant le gag du billet sont celui plein cadre sur le soleil suivi du même éblouissement opéré par l'objectif du projecteur (quasiment un rébus: ficelle - couple qui s'ignore - soleil - image cinéma !). Merveilleuse histoire de ce café devenu institution par hasard, pour certains supporters de foot dont le chien Vardy, suite à une panne étendue au quartier ! Toujours cette idée du lien affectif initié par les lois du chaos, sur lequel nous n'avons aucune prise.
Il y a comme une gourmandise dans ce film de la part de Koberidze, à manipuler la grammaire du cinéma, sans se soucier de cohérence, assumant le superflu. Une entrée d'appartement dont on filme longuement la porte et la vacance, tandis que la brise s'empare du rideau, après la sortie du personnage ayant minutieusement ajusté sa montre le temps d'avant ! ; le patron du bar du pont rouge qui met un terme à la projection et préfère discuter avec Lisa et quelques clients (ce sera une scène muette), depuis la cabine; un amateur de foot que l'on suit de loin le long du fleuve et dont le narrateur omniscient imagine les possibles destinations (interactivité avec le spectateur que l'on retrouve au moment de la transformation des personnages, au début !); rêve de Giorgi se voyant déambuler dans une rue et observant par la fenêtre un jeune étudiant révisant ses cours (l'indiscrétion va même jusqu'à poser mentalement son regard dans un recoin de cet appartement, où une porte entrebâillée laisse apparaitre le vacillement d'une image télévisée émise hors champ..., très belle métaphore sur notre statut de voyeur au cinéma !); l'incident pellicule occasionné par l'assistant, filmé en plan d'ensemble fixe, compromettant la révélation "décisive"...; plein d'idées aussi malicieuses que tendres pour ses personnages.
Avant de vouloir rationaliser l'intention de l'artiste, mieux vaut se laisser porter par le chatoiement de cette mosaïque amoureuse du cinéma. Son court-métrage "Colophon" avait déjà ce côté insaisissable, apparemment déconstruit, prospectant le non-dit.