Quatrième long métrage du prolifique François Ozon, Sous le sable sème comme des graines toutes les obsessions qui fonderont la majeure partie de la carrière de son cinéaste ; une caméra érotique, la femme au cœur du récit, une omniprésence de la mort et son traitement chirurgical, des tendances voyeuses et la fêlure du vernis de la bourgeoisie qui se craquelle par le drame.
Dans ce récit c'est la mort qui se ressent comme une absence éminemment présente et l'impossibilité du deuil sans corps et sans preuve, que décortique Ozon
Les premières minutes du film sont superbes, lorsqu'il pose un regard doux sur un couple de quinquagénaires bourgeois partis en vacances dans les Landes. Par les gestes de tendresse du quotidien, le silence de l'habitude, les caresses et les réflexes, il construit en un rien de temps un cadre réaliste et émouvant qui porte en creux le drame à venir. L'étrange tension, quasi horrifique, qu'il instaure dans des scènes pourtant routinières place d'emblée le film sur un axe fantastique dont il s'amuse à déconstruire le rythme (notamment par cette ellipse incroyable qui cache pendant un court moment beaucoup de non-dits). Le drame est là, sourd, ourdi, pesant.
En se refusant toujours à le nommer explicitement, Ozon maintient le doute un temps, et construit un récit déchirant sur le refus du deuil, le déni, la tristesse longtemps refoulée, et dessine à travers lui le portrait subtil d'une femme digne, qui vire progressivement vers l'aveuglement maladif. Il filme Charlotte Rampling d'une manière si clinique qu'il semble parfois cadrer un cadavre que seules les mains de son mari peuvent ressusciter (l'utilisation de la symphonie N°2 "Résurrection" de Gustav Malher n'est pas anodine). Il la filme tantôt plus âgée qu'elle ne l'est, lorsque le désespoir du vide l'accable, tantôt jeune et frivole lorsque le désir la fait renaître, où lors d'une mémorable scène au supermarché, lorsqu'elle déambule tout sourire avec son caddie, heureuse de faire les courses pour deux, sur fond de Barbara.
Dommage qu'à la longue, tout ceci insiste trop lourdement, que le délire quasi psychiatrique du déni étire lourdement le film, et vienne à ôter dans sa dernière partie, toute l'émotion qu'il avait pourtant su créer au début. La répétition et l'ennui d'une absence d'intrigue véritable, la prétention de la mise en scène, ainsi que l'interprétation plutôt ratée de Jacques Nolot pèsent malheureusement sur ce drame qui échoue finalement, et c'est dommage, à nous toucher et nous émouvoir comme il aurait du.