Southland Tales est le typiquement le film que l'on a envie d'aimer, pour lequel on serait prêt à faire d'énormes efforts de sympathie comme de mauvaise foi pour le défendre.
Alors, on pourrait toujours arguer "oui, mais il faut lire le comics avant", "oui, mais blablabla". Alors, c'est sûr, sans les premières parties (Southland Tales, comme un certain film des eighties avec des types en pyjama de lin et batons lumineux qui zvouizent dans tous les sens, commence par le milieu de l'histoire), on rame un peu. On peut s'en sortir. On regrettera d'avoir loupé le segment sur "l'événement" qui tourne mal avec Boxer, on aimerai en savoir plus sur Taverner. Okay. Bon. Pour ma part, j'étais prévenu.
... Mais on ne peut accorder le génie à un film finalement foutraque, mal (re)monté, cheap-sans-s'assumer. La photographie, pour ne citer qu'elle, se préférerait cheap-chic ou quelque truc aseptisé de clipeur (j'aime) que Kelly arrive à reproduire le temps d'une séquence de comédie musicale avec un vétéran de Fallujah.
Le script file dans l'urgence sans savoir gérer son rythme (trop lent quand il doit être rapide; trop brutal quand il devrait prendre son temps), les personnages hystériques incontrôlables (au moins, les acteurs s'éclatent) et l'objet cinématographique qui en résulte pas mal foutraque.
Le foutraque, ça fonctionne quand on s'appelle Miike et qu'on décide de faire un Final Foutraque à son Dead or Alive, mais ça ne fonctionne pas du tout quand on s'appelle Richard Kelly et qu'on essaie de monter un film ambitieux reposant sur des bases solides.
Ici, on passe rapidement sur le rapport entre le name-dropping de jargon scientifique à la mode et les explications improbables que le réal essaie d'y associer.
J'aimerai vraiment aimer ce film, mais Southland Tales est définitivement brouillon, mal fichu, plein de bonne volonté mais maladroit, mal équilibré.
Southland Tales stigmatise, enfin, un travers du cinéma de Kelly que l'on retrouvera dans le plus récent (et définitivement plus réussi) The Box: l'empilement jusqu'au vertige d'idées vertigineuses mais totalement inutiles au récit. Dans le cas de The Box, confère le decorum sci-fi (très beau, très léché, passionnant) que l'on pourrait entièrement escamoter du film sans nuire à l'intrigue.
Oh, tenez, à bien y réfléchir, c'est aussi exactement le problème de Donnie Darko (ce qu'on y prend pour du symbolisme ne signifie finalement pas grand chose).
Southland Tales est un fail avec la beauté du geste. Je ne lui jeterai pas la pierre.