Parfois cité comme un des plus mauvais films à avoir été présenté à Cannes, Southland Tales n'a pas vraiment gagné en réputation à sa sortie dans les cinéma américains un an et un remontage plus tard, mais il y a quand même une poignée d'irréductibles cinéphiles qui défendront le film en le classant dans la catégories des chefs-d’œuvres incompris. Avec mon amour des films étranges, je me devais bien d'y jeter un œil pour me faire mon avis.
Il est clair et net que Richard Kelly a gagné en ambition depuis le succès d'estime de son film culte Donnie Darko : casting improbable mais pas piqué des vers, scénario touffu cross-média (avec un préquel en comic book), un côté film choral avec de nombreux personnages qui s'entrecroisent régulièrement, pas mal de références à l'histoire des Etats-Unis ou à la Bible... Au début, on ne peut s'empêcher d'être intrigué par tout ça, il y a bien quelques idées intéressantes, on peut commencer à espérer une bonne surprise, mais au fur et à mesure que le temps défile, on attend toujours que le moment où l'intérêt décolle réellement, mais en vain : le scénario multiplie les intrigues sans arriver au bout de chacun d'entre elles, les personnages ne sont pas intéressants et leurs motivations ne sont pas très claires (ou pas intéressantes), de même que les deux camps qui s'opposent dans le film (USIdent et néo-marxistes), et on s'aperçoit que le film n'a pas grand chose d'intéressant à nous raconter.
Qui plus est, le film a beau avoir un style extravagant et farfelu dans la mise en scène de son histoire étrange, Richard Kelly ne semble pas vraiment doué pour la comédie, puisqu'au final le film n'est pas spécialement marrant, contrairement à des films comme Brazil ou La Montagne Sacrée, dont le style délicieusement absurde donnait lieu à de la critique sociale avec une bonne dose d'humour noir. De plus, les dialogues sont souvent bizarrement écrits, voire parfois navrants, avec des discussions dont l'utilité est discutable (la plupart des dialogues autour du sexe et du porno, ou des phrases comme "les mecs cool ne se suicident pas"). On est bien loin de l'intelligence de l'écriture de Donnie Darko. Tout ça fait que le film ne trouve pas son ton, ne convainquant ni d'un point de vue comédie, ni quand il essaye de se prendre plus au sérieux, peinant à développer un discours cohérent. Au final, les 2h30 du film paraissent bien avare en scènes réellement marquantes, contrairement à Donnie Darko qui avait plus d'une scène mémorable ; qui plus est, le final est assez ridicule. Et c'est bien dommage, car certains films peuvent montrer qu'avec du talent, on peut faire passer la compréhension au second plan par rapport à l'ambiance (rien qu'Il Est Difficile d'Être un Dieu pour prendre un exemple récent).
Southland Tales mérite plutôt bien sa réputation de film incompréhensible, mais ce n'est pas vraiment du même niveau qu'un Inland Empire totalement expérimental et abscons, c'est surtout un film terriblement mal raconté, mal monté et aussi vain que les personnages qu'il met en scène. Cela dit, pour la défense de cette oeuvre bâtarde, on peut légitimement se demander si lire le comic book (qui n'a pas l'air d'être édité en France) permettrait d'avoir une meilleure compréhension du film (qui fait cependant un petit résumé rapide du début de l'histoire du comic book) et de son univers... Mais malgré cette réserve, vu le peu d'intérêt que j'ai pu éprouver pendant le visionnage du film, je suis plutôt d'avis que Richard Kelly a eu les yeux plus gros que le ventre sur ce coup, et c'est bien dommage, parce que Donnie Darko montrait qu'il avait du potentiel.