Je n'ai pas l'intention d'entrer dans le débat pour savoir si le producteur-acteur Kirk Douglas avait ou non la main mise sur Kubrick ou vice-versa, si l'Histoire de la troisième guerre servile à Rome a été bien respectée, si le scénariste Dalton Trumbo a fait son job ou pas, si les toges des patriciens et les combats de gladiateurs sont bien conformes à l'Histoire ni si Kirk Douglas a voulu faire ce film parce que, vexé, il n'aurait pas été choisi pour tourner Ben Hur. Je m'en fous. Complètement.
Par contre ce qui m'intéresse c'est de parler du film tel que je l'ai ressenti et le ressens encore.
L'idée de liberté, libération ou abolition de l'esclavage qui imprègne d'un bout à l'autre le film est magnifique et le personnage de Spartacus la porte haut et loin. Par exemple, la veillée d'armes que fait Spartacus en se promenant dans le camp est d'une rare sobriété et très émouvante. Elle porte en elle différents symboles (le couple de vieux qui dorment ensemble, la mère qui apaise sa petite fille, les jeunes qui se font une petite bouffe, ...)
L'histoire de Varinia et Spartacus est d'une beauté à couper le souffle. La première rencontre "obligée" où il ne se passe rien sauf la parole "je ne suis pas un animal" est remarquablement mise en scène et se passe tout en regards de découvertes réciproques muettes. Le regard de Varinia (Jean Simmons) passe d'un état "blasé" ou "soumis" à "étonné" puis "intrigué". La musique qui accompagne cette scène est pleine de douceur, je dirais presque de langueur. C'est une scène d'anthologie.
La troisième rencontre Varinia /Spartacus alors qu'ils viennent de se libérer de leur servage prend la mesure de leur amour naissant et se termine par une chevauchée en ombre sur un soleil couchant rouge. C'est encore beau.
Sans oublier la dernière scène Varinia/Spartacus qui se passe de commentaire tant elle est forte et porteuse d'espérance.
C'est tout l'art du scénariste et du metteur en scène d'avoir alterné savamment les scènes de forte tension (les combats, les batailles, les magouilles au sénat romain, ...) et les scènes beaucoup plus apaisées.
Ainsi par exemple, l'instant de paix où Antoninus (Tony Curtis) joue des tours de magie puis récite un poème contient même quelques éléments comiques.
Et puis parlons des combats ou des batailles : là aussi quelle mise en scène ! réglée au quart de poil ; par exemple le combat de gladiateurs entre Spartacus et Draba (Woody Strode) dont l'intensité est rendue par une caméra très mobile qui s'attache à l'expression des visages et aux gestes. Encore une scène d'anthologie.
Ou encore la grande bataille finale entre l'armée de Spartacus et de Crassus avec les manœuvres des légions romaines.
De toute façon, il suffit de voir le casting avec les pointures qui ont été choisies où les acteurs ne sont pas du tout à contre-emploi et portent eux le symbole du personnage qu'ils jouent et dans lequel le spectateur se retrouve
Kirk Douglas en Spartacus, Laurence Olivier en un politique Crassus tourmenté, Peter Ustinov en marchand d'esclaves retors, Charles Laughton en un Gracchus, fort en gueule, politique vieillissant manœuvrier et rusé,
Sans évidemment oublier la seule star féminine Jean Simmons, habituée des grandes fresques au cinéma, si pleine de retenue dont les regards sont si signifiants.