Vous connaissez probablement Stanley Kubrick pour Shining, Orange Mécanique ou encore Full Metal Jacket. Toutefois, le réalisateur est connu comme un touche-à-tout. L’un des exemples les plus éminents de sa polyvalence réside dans le film Spartacus (1960), un péplum parfaitement maîtrisé. Après avoir réalisé Les Sentiers de la Gloire (1957), film passionnant sur la corruption dans l’armée, Kubrick reprend Kirk Douglas dans un rôle principal en changeant totalement de registre. Le projet est titanesque : essayer de reproduire la Rome antique et ses arènes de gladiateurs, Rome et le Sénat, dans une épopée folle du gladiateur Spartacus. On distingue donc deux camps : Spartacus, à la tête d’une formidable masse d’esclaves prêts à tout pour revendiquer et obtenir leur liberté, face à Rome et son Sénat qui ne veulent en aucun cas les laisser s’exprimer. Et de cette manière, la machine hollywoodienne fait déjà parler d’elle dans les années 60. Avec un budget de 12 millions de dollars (ce qui est colossal à l’époque), cette superproduction délivre un spectacle rarement atteint, avec un casting monumental : Kirk Douglas, Jean Simmons, Laurence Olivier, John Gavin, Tony Curtis et Charles Laughton font entre autres partie de cette formidable aventure, sans oublier Peter Ustinov qui glanera l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle. Le travail sur la photographie est à souligner, la recherche sur la couleur et les costumes permet de nous plonger dans ce contexte de premier siècle avant J.C (et hop, Oscar de la meilleure photographie pour Russell Metty !). Les décors sont tels que l’on se croirait à Rome, ce qui n’est pas une mince affaire en 1960. Les différentes séquences qui suivent l’agrandissement de l’armée des révoltés sont davantage spectaculaires que celles d’aujourd’hui, pour la simple et bonne raison que l’utilisation des fonds verts n’est pas institutionnalisée. Ce sont donc des personnes en chair et en os qui tapissent le paysage, le rendu est impressionnant. La musique est également à saluer, elle se révèle entraînante et témoigne de la formidable aventure que mènent Spartacus et son armée. Attention, Spartacus n’est pas un péplum comme on peut en voir aujourd’hui : pas de corps virils avec de la sueur suintante sur le torse de beaux bestiaux, point de rapports purement animaux avec les femmes dans une vision qui relève du quasi-voyeurisme (ça fera forcément des déçus), pas de combats complètement farfelus avec une armée ridicule qui aligne l’intégralité des légions romaines. Ce film est certes une épopée, mais une épopée qui se concentre sur l’humain. Le scénario de Donald Trumbo, adapté du livre de Howard Fest, se concentre sur la condition des esclaves et leur rejet de l’oppression romaine. Le vrai combat consiste à revendiquer ses droits et perdre le statut d’esclave. En témoigne Spartacus, qui confesse à Varinia sa croyance en un dieu des esclaves, dans lequel il projette ses désirs les plus profonds : « Je prie pour un fils qui naîtra libre. ». L’accent est donc mis sur ces hommes comme les autres, avec des chaînes en plus. La relation passionnelle entre Spartacus et Varinia, très importante dans l’intrigue, est filmée de manière subtile avec des scènes très travaillées. Cela s’explique par le besoin de se plier au code Hays de censure à Hollywood : la nudité n’est que très peu tolérée, le jeu sur la lumière et le cadrage est remarquable et permet de suggérer plutôt que de montrer, une habitude quelque peu perdue ces derniers temps. Le personnage joué par Kirk Douglas possède une écriture intéressante, puisqu’il fait autant preuve de tendresse que d’une violence animée par le rejet des institutions romaines. Cette humanité touchante est, bien évidemment, opposée à l’intransigeance et surtout à la corruption du Sénat romain. Toutes les décisions ne sont motivées que par des intérêts personnels : la soif de pouvoir et le besoin d’anéantir toute résistance font des révoltés une proie facile. Ce film représente une formidable épopée vers la liberté, conduite par une armée d’esclaves face à la toute-puissante Rome antique. Spartacus est un petit bijou qui pose les bases du péplum dans un mélange subtil entre humanité, amour et désir de liberté. A voir absolument.