"Ce n'est pas un film sur les Rroms." En effet c'est bien plus
Quand j’entends «documentaire», je pense à un documentaire animalier, qui passerait tard à la télé, un dimanche soir. Spartacus et Cassandra est, officiellement, un documentaire. Cependant, je ne pense pas que beaucoup de personnes, dont moi, ayons ressenti ce poids de la réalité qui peut être récurent dans les documentaires. Mais comme l’a dit le réalisateur, le film se base d’avantage sur les codes d'un «conte».
Ce «conte» est celui de Spartacus et Cassandra, un frère et une sœur rroms qui vivent «au chapiteau» avec leur mère. Ce chapiteau fait penser à une «arche de Noé» pour personnes en marge de la société, un havre de paix pour des personnes aux parcours différents, égarés, , comme la jeune trapéziste qui accueille les deux enfants. Nous sommes immergés dans un autre monde, qui paradoxalement, se trouve si près et donc nous ne connaissons l'existence, mais sans y prêter attention, que nous fuyons même.
Spartacus et Cassandra délivre au fur et à mesure de l'histoire, des difficultés, des marginalisations, des conflits. Il n'y a cependant aucune clé de lecture fixe. C'est tout leur environnement qui nous est délivré. Pas seulement les démêlés avec la justice, pas seulement le père qui boit, pas seulement leur vie au chapiteau, pas seulement leur relation avec Camille... c'est ce tout qui crée une ambiance complexe qui noie le spectateur dans un environnement inconnu et hostile.
Cet environnement est porté par des ambiances différentes, mais celles-ci viennent du traitement de l'image. L'image, la couleur, le contraste est différent ainsi que les cadres qui changent tout au long du film, comme les changements de lieux et d'état d'esprits des enfants d'ailleurs. Tantôt l'image super 8 se faire dure mais dépaysante, tantôt les contrastes et jeux de lumières du chapiteau de nuit, se font magie.
«J’avais envie d’éclats, de fragments» et c’est ce qu’est Spartacus et Cassandra, des éclats de rire, des fragments de vie. Si le sérieux du sujet peut nous plonger dans de la culpabilité et de la compassion, ces sentiments font vite oublier ou du moins remplacés par les élans de vie et, partiellement d'espoir, que confère ce film.
«Ce n’est pas un film sur les Rroms» avait précisé Ioanis avant la projection. Dans un premier temps cette appréciation semble moyennement vraie mais, finalement, Spartacus et Cassandra ne sont pas «simplement» des enfants Rroms, leurs parents qui font la manche ne sont pas simplement des Rroms qui font la manche, mais avant tout des enfants, des parents, une famille. Spartacus et Cassandra est donc un documentaire sur des Rroms, mais plus que ça, une histoire sur la famille.
Le documentaire dresse un constat sur les ambivalences entre les institutions, les difficultés scolaires, les droits et les racines des enfants. Un constat qui pourrait être politique, mais encore une fois, le poids ne s'en ressent pas et se fait secondaire. Nous permettant de porter un sentiment personnel, porté sur nos émotions plutôt que sur des opinions politiques qui viendraient obscurcir le plaisir apporté par le film. Si il y a un message politique, celui-ci viendrait au moment du slam final de Spartacus qui, n'hésite pas à rappeler ses origines, qu'il ne reniera pas même si on l'y forçait.
«Ce film constitue notre rencontre». Ioanis parle ici de sa rencontre avec Spartacus, Cassandra et Camille, dans une interview accordée à l'ACID lors de sa programmation à Cannes en 2014. Mais ce film constitue également notre rencontre avec une réalité à laquelle nous ne sommes jamais confrontés, celle des Rroms, des gens du voyage que l’on évite. Un film sur la rencontre qui peut sauver, comme celle entre Camille et les deux enfants.