Princesse déchue
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le 2 janv. 2022
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Les antibiopics c'est pas automatique. Des biopics qui sortent de l'ordinaire ce n'est finalement pas si commun. "La vie et la mort de X ou Y", qu'on se le dise, c'est bien, mais artistiquement peut toujours faire mieux. Et il y a Spencer, une fable contemporaine plongeant dans la psyché d'une femme dépossédée de son identité et de son libre arbitre.
Pablo Larrain, le metteur en scène, ce qui l'intéresse, c'est le processus d'émancipation, l'exploration des tourments d'une femme de demain dans le monde hyper codifié d'avant. Ce qu'il dépeint avec cette Diana, malheureuse marionnette désarticulée et désabusée d'une hiérarchie royale des traditions, transforme ce drame apparent en une forme diaboliquement anxiogène de cinéma d'angoisse aux frontières d'une réalité destructrice. Un cauchemar d'une enivrante maîtrise narrative.
Le réalisateur et Claire Mathon, la directrice photo, jonglent avec un malin plaisir entre les nuances de gris, la brume persistante et les contrastes, illustrant avec finesse l'état mental de la princesse Diana. La bande originale de Jonny Greenwood empreinte quant à elle beaucoup au cinéma d'horreur sans pour autant renier le drame qui se joue entre les murs et les oreilles de Sandringham House. Ces sonorités dissonantes ne sont pas étrangères à la réussite immersive de ce perpétuel combat intérieur.
Ce premier repas tendu à Noël dans la maison des horreurs royales, cette angoisse des regards pervers, insistants et sentencieux, ces apparitions surnaturelles, cette ambiance parfois insoutenable de l'horreur qui se joue dans les entrailles de cette princesse des coeurs sans réponses. Une princesse chiffon prisonnière du fardeau des rois et des reines. Toute cette fertilité créative serait pourtant vaine sans le coeur ardent supportant toute l'architecture visuelle et narrative du long-métrage, son interprète principale...
Qui est la princesse, qui est Kristen Stewart ? Cette comédienne capable de mettre le spectateur à terre en à peine quelques mots. Cette actrice insufflant autant de nuances dans son regard incantatoire que dans sa puissante et fragile gestuelle au sein d'une même séquence. C'est toute l'angoisse de la couronne et de l'héritage qui en ressort, tout le poids étouffant de l'Histoire qui s'exprime, toute l'oppression environnementale qui implose dans un feu d'artifice fiévreux. Supportée par l'impériale distribution incarnée et désincarnée par Timothy Spall, Sally Hawkins, Jack Farthing, Sean Harris, Stella Gonet, Jack Nielen et Freddy Spry, l'interprétation de Lady K. Stewart est telle qu'on en ressent la moindre vibration émotionnelle.
Spencer c'est finalement autant une quête d'identité qu'un questionnement viscéral sur des principes traditionnels éculés. Le récit de Pablo Larrain est ainsi empreint d'une volonté de dresser le portrait d'une femme soumise à sa condition royale. Spencer n'est en cela pas un biopic classique, mais un film d'auteur avec une vraie vision d'ensemble de son sujet d'étude, merveilleusement croqué par Kristen Stewart.
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le 8 févr. 2022
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