Là où Spider-Man : Homecoming apportait au personnage ainsi qu'au MCU un retour du divertissement à échelle humaine, le nouvel opus de la collaboration Disney/Sony s'inspire de la trilogie de Sam Raimi pour mieux remettre en contexte l'importance de la voltige dans la représentation cinématographique du tisseur. Toujours réalisé par le Yes Man Jon Watts, ce second épisode marque premièrement l'avancée dans le développement de la mythologie du personnage, que ce soit par l'arrivée du génial Mysterio ou le rapprochement entre Peter et la pétillante MJ de Zendaya.


Cela donne cependant lieu à une première heure pénible, pas fine pour un sou, à l'humour finalement bien inutile; grasse et stupide, cette mauvaise reproduction de comédie pour ados patine avec ses personnages stéréotypés, ses situations plus ridicules que grotesques, ses acteurs qui surjouent au point d'en devenir insupportablement mauvais (Ned, dit Jacob Batalon, et le gâchis phénoménal Betty Brant, à laquelle Angourie Rice prête ses traits, sont surement les plus désastreux du film) questionne sur l'intérêt d'avoir fait ce film, jusqu'à ce qu'arrive le Mysterio du génial Jake Gyllenhaal.


Clairement en deçà de ses capacités d'interprétation habituelles, l'acteur renommé de Jarhead ne se prive pas pour nous proposer tout de même une composition de méchant solide et charismatique, tout aussi nuancée que vicieuse : il incarne sans peine le personnage, qu'il s'approprie dès ses premières secondes de temps de présence à l'écran, que ce soit par son simple regard, ses mimiques ou sa voix.


Mysterio est à ce sujet la plus grande réussite du film; porter sur grand écran un personnage aussi haut en couleur tenait du défi difficilement envisageable, et Jon Watts s'est payé le luxe d'y ajouter une réflexion concernant le pouvoir des images sur l'imaginaire et les pensées des spectateurs. A l'époque où l'on croit tout ce que l'on voit sur internet, où les fake news pleuvent et font fureur dans les débats de cinéphiles et passionnés de comics, Far From Home, du haut de sa personnalité de blockbuster massif, s'interroge avec plus ou moins de justesse et de profondeur sur la légitimité des médias, l'importance des images dans nos vies, le rêve de se fabriquer des héros.


Il en vient même à proposer involontairement une mise en abîme de ses propres excès : Mysterio, avec ses tours et ses illusions ultra-spectaculaires, incarne d'une certaine manière ce MCU qui vient pomper la moelle du personnage, lui ment, le manipule, fait de lui sa chose auprès de l'opinion publique et le fait passer pour ce qu'il veut; en témoigne l'issue du dernier combat, alors que la scène post-générique prévoit astucieusement une suite comme l'aurait justement fait une série.


Qu'il ait conscience ou non des défauts du MCU, il n'empêche que Far From Home se les coltine pratiquement tous, et ce malgré son inconsciente auto-analyse lui assenant un soupçon d'intelligence inattendue; il a au moins le mérite de pousser jusque dans ses retranchements la mythologie modernisée d'un personnage mythique, cela même s'il le fait durant longtemps de bien mauvaise manière.


Entre l'humour forcé, les personnages creux et stupides, les situations qu'on croirait uniquement pensées pour véhiculer toujours plus d'humour et rabaisser le personnage au statut de gamin tout mignon, le méchant qu'on était censé considérer comme gentil alors qu'il se trimballe avec un panneau "traître" sur la gueule tout le long du film, il y a de quoi de ressentir les effets néfastes entraînés par les mauvais films pour un gosse plus abrutissant qu'autre chose.


Vient alors, au bout d'une heure certes longue, la surprise de suivre une dernière partie bourrée d'action et très propre question mise en scène, dont l'apogée survient aux moments de voltige de l'ultime combat, séquence saisissante et bluffante de spectaculaire; on pouvait difficilement s'attendre à des visuels à ce point spectaculaires et libérés de la gravité dans un Spider-Man de Watts, et même si cela n'atteint évidemment pas le niveau de Raimi, force est de constater qu'on tient là la plus fidèle et jouissive adaptation du personnage depuis la fin de sa trilogie.


Autant pardonner, en souvenir de sa dernière heure explosive, les égarements de sa première partie faussement comique, stéréotypée et ridicule à plus d'un titre, qui donnait une mauvaise direction au ton du personnage et du renouveau du MCU depuis Endgame, ce dernier ayant tristement bloqué le personnage dans une position d'héritier d'Iron Man l'empêchant de voler de ses propres ailes; si cela va avec la thématique de l'adolescent ayant du mal à se trouver et remplace, d'une autre façon, la figure parentale de l'Oncle Ben, il est plutôt regrettable de suivre un personnage qui n'existe finalement plus comme une franchise à part entière, mais bel et bien comme le rejeton illégitime entre le Spider-Man de Raimi et l'Iron Man de Robert Downey Jr, duquel plane l'ombre propice au pathos ridicule, au mélodrame pathétique jamais bien crédible.


Le Spider-Man de Watts n'est jusqu'ici qu'un sous-Iron Man au lycée, qu'on espère voir, dans le prochain épisode, plus proche du drame et de l'autonomie. Le potentiel de Tom Holland est à ce titre exceptionnel; dommage que l'équipe ne soit pas capable de lui donner les moments de gloire et la profondeur qu'il mérite : il aura fallu attendre la fin du dernier Avengers pour y parvenir, alors qu'il n'y tenait qu'un rôle plus que secondaire. Jusqu'ici, ce reboot est un terrible gâchis.

FloBerne

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