D’abord conquis au point d’y retourner sans rechigner, le second visionnage de Spider-Man: Into the Spider-verse tint de la confirmation endiablée : à défaut d’avoir beaucoup squatté les salles obscures cette année, il s’agit sans conteste de l’un des tous meilleurs films de l’exercice 2018, coiffant notamment au poteau Infinity War sur le même registre super-héroïque. La chose pourrait paraître présomptueuse, mais je pense avoir suffisamment pesé mes mots en remettant en perspective sa découverte : car bien que le projet fût dans les cartons de Sony depuis un moment, il me fallut d’abord assister au naufrage de Venom pour pleinement prendre conscience de sa sortie à venir.
Relativement neutre en amont de ma première séance, et ayant soigneusement évité ses trailers promotionnels, le succès de Spider-Man: Into the Spider-verse prend ainsi des proportions affermies tant ses qualités intrinsèques administrent une sacrée claque : pourtant, comme tout bon film lié à la foisonnante industrie des comic-books, il est indéniable que celui-ci use de bout en bout d’une pléiade de ficelles connues dans le genre, mais… quel doigté ! Quel vent de fraîcheur grisant au sein d’une production tournant (globalement) en rond ! Une bonne, non, excellente surprise donc que ce long-métrage d’animation parvenant à renouveler, impressionner et surtout s’extirper de carcans archétypaux.
Après coup, on ne s’étonne guère de retrouver la paire Lord/Miller (La Grande Aventure Lego) au scénario, car, malins comme pas deux, ceux-ci auront fait d’une trame en apparence pataude (si ce n’est risquée avec le versant des univers alternatifs) un agencement des plus brillants entre héritage, renaissance et divertissement pur jus. Comprenons donc que ce Spider-Man s’en sort admirablement bien sur tous les tableaux : le prisme familial ou même de l’adolescence est traité avec une justesse touchante, à l’image du poids de la transmission entre Peter Parker et Miles, suspendu à la frappe tonitruante d’un Caïd se faisant meurtrier. L’effet est d’autant plus marquant que ce trépas soudain conclut une introduction enchanteresse, le film usant d’un humour savamment dosée (et efficace à souhait) tout en plantant avec brio le décor.
Son style graphique n’y est pas indifférent, l’hommage patent au support papier se liant à une réelle démarche visuelle : la mise en scène est en ce sens des plus inspirée, le long-métrage variant les angles de vue, perspectives et j’en passe et des meilleurs afin d’user au maximum le potentiel infini de son univers. L’affrontement destructeur entre Spider-Man et le Bouffon Vert au second plan, alors que nous suivons au plus près un Miles pris au piège, en est un parfait exemple tant la séquence atteint des sommets en termes d’immersion sur l’instant. Inventif, renversant et rythmé avec maestria, Into the Spider-verse nous en donne donc pour notre argent, mais sans jamais céder aux sirènes du sensationnel désuet.
Et puis… il y a cette fameuse soundtrack, indissociable d’une atmosphère nous faisant passer par tous nos états : tantôt énergique, dynamisante voire épique, tantôt au service de zones d’ombres savoureuses pour un résultat exquis, celle-ci confère au tout une dimension telle que le long-métrage achève de nous convaincre de sa portée véritable. Car Spider-Man: Into the Spider-verse ne saurait se réduire à un simple bon film de super-héros, ou une nouvelle référence d’animation, non : il transcende ses frontières « natives » en sa qualité de véritable proposition de cinéma, et dieu que cela fait plaisir !
Je me m’égare… mais comment faire autrement tant celui-ci arbore une myriades de composantes valant leur propre développement : « l’éclosion » de Miles est notamment remarquable bien que très classique dans son essence première, et l’on retiendra notamment les élans presque suicidaires d’un Peter B. Parker aux multiples facettes. De manière générale, la galerie de protagonistes est de toute façon mémorable, qu’il s’agisse d’une « trace » formelle (tels de superbes thèmes, à l’image du charismatique Rôdeur), d’un pan comique décidément dévastateur ou plus simplement d'approfondissements adéquats : en ce sens, la présentation succincte des Spider-alternatifs est aussi suffisante qu’efficiente, le film se jouant des codes et des références avec une telle justesse que ces-derniers ne font aucunement tâche.
Bien au contraire, l’empathie prenant définitivement ses quartiers à mesure qu’Into the Spider-verse ne déroule son récit, jamais à court de jus ni de bonnes idées (comme l’illustre si bien son hilarante scène post-générique). Pour autant, le tout n’est assurément non exempt de tous reproches, le long-métrage se laissant parfois aller au risque de trop tirer sur la corde (on songe alors à la présence de Jeff lors de l’acte final, présent aux bons endroits aux bons moments) : mais ces petits écueils tenant de l’anecdotique au regard de la justesse du tout, rien de rédhibitoire à l’horizon. Bien au contraire, le revoir aura même corrigé en partie certains de mes jugements initiaux, comme si le film gagnait à être vécu une seconde fois pour mieux en saisir toutes les subtilités.
Pour un film d’animation estampillé « Spider-Man », la chose est d’autant plus extraordinaire : il ne reste donc plus qu’à espérer que Sony saura maintenir pareil cap merveilleux.