Pour faire un résumé rapide de la filmographie de M. Night Shyamalan : Sixième Sens, Signes, Le Village et Incassable sont bons voire très bons selon les cas ; Le Dernier Maître de l'air et After Earth sont horribles, Phénomènes est vraiment moyen et The Visit sans plus... Autant dire que personne ne savait à quoi s'attendre avec Split, long-métrage ayant pour thème principal la dissociation de l'identité, pathologie déjà abordée dans pas mal de thrillers comme Fight Club, Identity ou encore Psychose, donc difficile de se faire une place au milieu de tels films, mais pas impossible.
Attention, cette critique comporte de nombreux spoilers !
Le principal objectif dans un film comme Split, c'est de créer une atmosphère imprévisible, claustrophobe et inquiétante ; or, même si il y a quelques éléments prévisibles dans le long-métrage -notamment le cliché de "l'unique survivante"- il y a globalement beaucoup de suspens concernant certaines chemins qu'emprunte l'histoire, chose bien entendu très positive dans un thriller ! À cela s'ajoute une ambiance assez anxiogène, créée d'une part grâce à l'antagoniste qui met mal à l'aise et d'autre part parce que le film est à moitié un huis clos. Mais Split n'est pas qu'un thriller, c'est aussi un drame abordant des thèmes difficiles : d'une part la maladie mentale mais aussi les agressions sexuelles, le deuil ou encore la scarification. Dans le dernier acte du long-métrage, on tombe à la limite du registre fantastique avec l'apparition de l'ultime personnalité de Kevin, "La Bête" qui se caractérise comme une créature supérieure, limite déifiée et dotée d'une force surhumaine, d'une agilité très développée et ayant les veines qui ressortent. Au début ça peut sembler pas très crédible du fait que l'ensemble du long-métrage est réaliste mais le twist final démontrant que Split se situe dans le même univers qu'Incassable -thriller fantastique- aide un peu mieux à adhérer à ce changement de registre. Enfin, les quelques rares scènes où Split se transforme en thriller quasiment horrifique (je pense notamment au cannibalise) sont un régal ! Bref, l'ambiance est efficace et les directions prises sont très intéressantes !
L'atmosphère du film ne serait pas la même sans la prestation de James McAvoy qui est très certainement l'une des ses meilleures à ce jour ! Chaque fois qu'il fait changer la personnalité de Kévin, on a à faire à un nouveau personnage très différent des précédentes personnalités. Au début ça peut paraître ironique lorsqu'il se transforme en Hedwig, enfant naïf et innocent, ou prend les traits de Patricia, une femme austère ; mais ça devient assez tôt malsain voire flippant. Anya Taylor-Joy est quant à elle une très bonne surprise, elle était déjà convaincante dans le film d'épouvante The Witch mais elle s'est d'avantage révélée ici, si bien qu'on peut déjà lui prédire une carrière prometteuse si l'actrice continue sur cette lancée. C'est aussi un plaisir de revoir Betty Buckley qui jouait la prof de sport dans Carrie au bal du diable (1976).
Au niveau des personnages, l’héroïne principale est tellement réservée, tellement isolée par son mal-être qu'elle peine à émouvoir et ce malgré les injustices qu'elle a subie (à l’exception peut être de la scène où l'on voit comment elle exprime cette souffrance, en se faisant du mal physiquement). Cependant, son courage et sa capacité à prendre des initiatives font d'elle un protagoniste attachant. Les deux autres victimes sont au contraire un peu trop pimbêches pour qu'on puisse avoir pitié d'elles, sauf dans la scène où elles se font bouffer vivantes. En ce qui concerne la psy, elle joue un rôle dans l'histoire qui laisse une impression de déjà-vu. Pour l'antagoniste, le spectateur aura probablement des préférences concernant les différentes personnalités : le gamin est très attachant, Dennis et Patricia sont malsains et La Bête très intéressante, notamment grâce à la mythologie inventée autour d'elle (un monstre cannibale, supérieur, tuant des jeunes filles données en sacrifice car elles n'ont pas connue la souffrance) ; c'est aussi brillant que la mythologie inventée sur "Ceux dont on parle pas" dans le film Le Village du même réalisateur ! Kévin est en quelque sorte un antihéros déjà culte !
Si Split comporte de bonnes idées scénaristiques mais on regrettera cependant la présence de certaines longueurs qui font qu'il y a trop de scènes qui sont un peu ennuyeuses : les flashbacks, certains dialogues avec notamment les séquences avec la psy... toutes des scènes nécessaires dans le développement des personnages mais pas forcément captivantes. Néanmoins, l'histoire est suffisamment intéressante pour attirer notre curiosité sur le cas de Billy Milligan, l'homme qui a inspiré le film.
En dépit de quelques moins, on peut conclure que Split est en 2017 la meilleure réalisation de M. Night Shyamalan depuis une bonne dizaine d'années. Le film ayant été un succès critique mérité ainsi qu'une très grande surprise au box-office, c'est donc officiellement le Grand retour du réalisateur ! Hâte de découvrir la suite qui ferra normalement office de crossover avec Incassable !