M. Night Shyamalan reprend ici la traditionnelle mésaventure des trois jeunes filles kidnappées par un malade mental. Comme si ce propos n’était pas assez conventionnel, il réutilise en plus un thème très cher aux cinémas américains puritains : celui de l’impureté. Ces choix scénaristiques excessivement classiques orbitent autour d’une maladie particulière : le trouble dissociatif de l’identité.
Mais là aussi l’originalité n’est pas au rendez-vous. Des films sur le trouble dissociatif de l’identité, il en existe une pléiade : de Psychose d’Hitchcock à Persona de Bergman, en passant par Fight Club de David Fincher, ou encore Deux sœur de Kim Jee-Woon, cette maladie a été représentée un grand nombre de fois. Il faut reconnaître qu’elle a un caractère spectaculaire. L’idée qu’une personne puisse être habitée par plusieurs personnalités effraie et fascine à la fois.
Dans tous les exemples cités plus haut, le trouble dissociatif de l’identité reposait sur le mélange de deux personnalités. Split de M. Night Shyamalan dépasse largement ce chiffre. Le cerveau du malade ne cumule pas deux, trois, ou quatre personnalités différentes mais vingt quatre. Lors de la promotion de l’œuvre, toute l’originalité de l’histoire reposait là-dessus. C’était comme une façon de dire au spectateur qu’il n’avait jamais vu cette maladie mentale de manière aussi développée.
Certes il n’y a pas, ou très peu, de film existant proposant vingt quatre personnalités dans un personnage. Mais Shyamalan n’atteint pas réellement ce nombre non plus. Dans son long métrage il en développe tout au plus sept. La question de l’utilité de ces personnalités peut donc se poser. Il met en avant un grand nombre de personnalités sans leur donner réellement vie. Cela donne l’impression d’une opération faite pour le marketing. Il y a une surenchère du spectaculaire sans résultat. Cette constatation n’est pas si surprenante dans une telle œuvre. Le projet même du film parait marketing. Shyamalan se sert de Split comme d’un préquel pour préparer la sortie de Incassable 2, sa prochaine création.
Mais sept personnages réunis en une personne, cela pourrait déjà être original, peut-être même spectaculaire. Ces possibilités ont été supprimées par la caractérisation de ces multiples personnalités. Shyamalan propose un éventail de stéréotypes pour les construire. Il y a le dur à cuir, la femme douce, l’enfant naïf, le styliste efféminé… tous ces rôles sont des clichés répandus dans la société.
Mais les stéréotypes, Shyamalan semble aimer ça. Il en utilise aussi pour les autres personnages du long métrage. L’héroïne est présentée comme la « final girl » dès le début. Elle est la plus débrouillarde, la moins sociable, la moins efféminée… C’est celle qui devrait logiquement survivre le plus longtemps. Les deux autres filles qui l’accompagnent sont en tout points son opposé. Elles sont naïves, sociables, féminines et pleurnichardes. Leur rôle est très plat. Elles servent juste à renvoyer la balle à l’héroïne.
La psychologue n’est pas plus originale. C’est la figure du mentor. Au moins elle a une utilité comparée aux deux jeunes filles. A travers ses dialogues grossièrement explicatifs, elle informe en permanence sur la maladie.
Tous ces manques de subtilité dans la construction des personnages renforcent encore plus le manque d’originalité de l’œuvre.
Les jeux d’acteurs ne sont malheureusement pas suffisants pour rattraper ces faiblesses. Anya Taylor-Joy, en offrant une prestation entre fragilité et confiance en soi, donne du relief à son personnage. Cependant, malgré ses qualités elle reste coincée dans un stéréotype, elle n’est qu’une bonne « final girl ».
James McAvoy propose également un jeu remarquable. Le film reposait grandement sur sa capacité à pouvoir interpréter plusieurs personnages. Il fait une démonstration de son savoir faire d’acteur. Devant un tel effort il est difficile de dire qu’il est mauvais. McAvoy s’en sort correctement. Cependant, il fait un peu trop souvent les mêmes grimaces, ce qui renforce les stéréotypes de ses personnages. Ce n’est donc pas impressionnant non plus. Ce rôle ne va pas marquer l’histoire. En sachant que Joaquin Phoenix était prévu à l’origine pour interpréter le personnage, il est difficile de ne pas avoir de regret.
Avec tout ce conformisme persistant, le grand retour de Shyamalan est surtout un retour aux formes classiques connues. Il n’est même pas complètement fidèle à son style originel. Les retournements de situations et le suspens qui étaient sa marque de fabrique sont ici bien faibles. Le réalisateur s’éloigne de lui-même… et aussi de l’originalité qui le démarquait.