Si on pouvait définir le film à enquête par excellence, Spotlight serait pour moi le tout nouvel exemple. Tom McCarthy n'a pas un passé somptueux dans sa filmographie mais pourtant il sort ce film, un nouveau monument du genre qui vient encore détruire le rêve américain en partant d'une enquête pour le moins morbides : les histoires d'abus sexuels dans l'Eglise Catholique.
Rappelant très souvent la mise en scène du Zodiac de David Fincher, Spotlight est un film utile et même nécessaire sur un sujet révoltant, qui se déguste comme un thriller. Pourtant, nous connaissons le fin mot de l'histoire, mais le film est passionnant durant ces 2h trépidantes du groupe de journalistes évoluant dans une révélation terriblement glauque. Les premières minutes donnent le ton : le tempo va être soutenu, les dialogues francs et directs seront dénués de gras inutile et la caméra se plie à une transparence pour mieux cerner les acteurs et mettre en valeur une belle efficacité narrative. C’est un plaisir de retrouver Michael Keaton qui joue ici sur les registres de la sobriété et de la gravité avec une grande finesse. Son équipe nous est vite introduite et le spectateur s’apprête à travailler en bonne et due forme avec cette petite famille qui ne s’arrêtera pas d’aller frapper aux portes des victimes ou des bibliothèques, gratter sur ses bloc-notes et passer des coups de fils et ce, au détriment de leur vie privée sur laquelle nous ne nous attarderons presque jamais. Au détour de quelques témoignages crus, le film devient alors captivant et le processus empathique se met inexorablement en marche : peu importe nos croyances, ce que nous venons d’entendre est tout simplement ignoble et nous aussi ne voulons dès lors plus qu’une chose, voir ces soi-disant hommes de Dieu être punis comme il se doit.
En cela, Spotlight fonctionne remarquablement bien dans la façon dont il réussit à nous interroger et remettre en cause certaines de nos certitudes selon nos appartenances religieuses. Le scandale était énorme, le bruit semble s’être étouffé aujourd’hui, mais les interrogations demeurent alors que le fléau continue probablement de se propager dans le silence. Un fléau d’autant plus difficile à révéler, de par la place occupée par l’Église et sa toute puissance outrepassant certaines lois, un fait révoltant sur lequel le film insiste également. Des punchlines résonnent encore dans nos têtes en sortant de la séance, de même que le carton final nous présentant rapidement tous les pays touchés par ces odieux agissements. Lors d’un face-à-face, le personnage de Michael Keaton parle au nom du spectateur, avouant être resté dans le mutisme trop longtemps alors qu’il pouvait sans doute déjà condamner les mauvaises personnes en temps voulu. Une affaire d’autant plus indigne et délicate qu’elle s’est nourrie du silence de chacun, protégeant ces hommes de foi aujourd’hui encore traités comme des rois.
Le scénario ne retrace pas donc uniquement l'enquête mais élève un portrait de plusieurs personnages prenant conscience du danger et de la folie qui les entoure durant cette enquête, somptueusement menée par un cadrage minutieux et sobre, un scénario aux dialogues brillants, et des acteurs absolument exceptionnels (mention spéciale à Mark Ruffalo et Liev Schreiber.) Tout tient sur un fil narratif qui ne faiblit jamais, où la tension et les frissons ne cessent d'augmenter au fur et à mesure. Spotlight est un grand film-enquête, une véritable claque dans la figure, qui nous laisse achevé sur notre siège.