Point de départ : « Un guide (ou "stalker") conduit deux hommes, l'un professeur et l'autre écrivain, à travers une zone connue comme "la chambre" afin d'exaucer tous leurs vœux. »
L’ouverture, aux teintes d’un sépia poisseux et nébuleux, introduit le spectateur dans la représentation symbolique d’une fin d’un monde. Pessimiste et obscure, l’action décrite ne semble se situer dans aucun espace défini, que ce soit par sa localité ou par sa temporalité. Seule semble rattacher cet univers au monde du vivant: la « Zone », délimitation géographique d’un événement énigmatique. Dès le début, cette zone évoquée se définit tel un objet fantasmatique ; un endroit mystique ou les rêves les plus fous seraient réalisables.
Si complexe que puisse être la profondeur d’une telle œuvre au point où la facilité serait la tentative d’écriture d’un pensum philosophique, Stalker est un film déroutant, complexe et exigeant.
L’action comme rapport à l’image est ici expulsée, Tarkovski bâtissant son film par un rythme lent et hypnotique; établissant une perception de l’espace et du temps par le regard primaire de ses personnages. La lecture de cet espace se faisant déroutante, jamais les personnages comme les spectateurs n’ayant la certitude d’un avancement significatif vers cette quête initiale.
Indifférent des notions de fantastiques et de science-fiction, Tarkovski manipule l’appréhension du spectateur dans ce que ces genres peuvent créer comme appréhension du surnaturel. Car ce qui intéresse le maître, ce qui définit son film par sa thématique majeure, c’est le rapport de l’homme à ses propres croyances.
L’espérance d’une épopée post-apocalyptique devenant une quête existentielle, révélant ainsi chez ses personnages toute perte de transcendance au sein d’un monde matérialiste et industrialisé.
Ressortant de ce trio comme titre éponyme du film : le « Stalker », qui par son semblable caractère simple et opportuniste surpasse le matérialisme et le rationalisme du professeur et de l’écrivain, tel un idiot mystique à la Dostoïevski…