Ce qui est communément considéré comme le plus grand chef-d'œuvre d'Andreï Tarkovski constitue en une immense odyssée de l'humanité. Le long voyage qui y est décrit débute dans un univers post-apocalyptique, sans âme, que le réalisateur soviétique a dépeint en sépia, créant ainsi une fantastique atmosphère oppressante, bariolée de misère et d'individus torturés. Cette œuvre nous offre une fois de plus des images d'une poésie merveilleuse, fréquemment habillées par la neige, la pluie ou la poussière, laissant voguer les esprits et les yeux vers des horizons inconnus. Ainsi, le stalker s'engage dans la fameuse Zone, lieu de tous les possibles et endroit de toutes les terreurs, suivi de deux hommes, un écrivain et un professeur, en quête de renouveau pour leurs vies et à la recherche d'une solution à leur désespoir. C'est un espace fondamentalement mystique, ne répondant bien évidemment pas à nos représentations habituelles et dont on ne sait véritablement ce qu'il peut nous réserver. Il est au fond extrêmement périlleux de s'y aventurer, mais l'objectif est exceptionnel, pouvoir réaliser son plus grand vœu, n'est-ce pas le plus beau mythe ? Avec une telle possibilité, beaucoup d'hommes seraient prêts à prendre un tel risque car ici ce n'est plus une affaire de rationalité mais une question de mystique. Cependant, tout cela semble au fond profondément illusoire. Stalker est une œuvre tout à fait pessimiste, l'ultime et le plus pur bonheur est imperceptible et notre personnage principal ne peut pas, comme un dieu, faire le bonheur des hommes. Cette fable emplie de symbolique métaphorique nous donne à voir toute la désillusion de cet individu dévasté par l'Homme, espèce la plus destructrice d'entre toutes, le rapprochant ainsi encore davantage de cet environnement lui aussi ravagé par le même coupable. C'est en somme une merveille de poésie que Tarkovski nous a proposé, son plus pur film s'il en est.