Stand rend au cinéma le caractère d'urgence qui doit être son moteur, lui redonne sens et énergie, un caractère brut, et rappelle que l'acte de filmer est autant un regard sur le monde qu'un geste artistique.
Tourné en mode commando en Ukraine, Stand (position ou résistance dans le langage militaire) évoque la situation délétère de la Russie contemporaine quant à la question homosexuelle. Les récentes lois "anti-propagande" sont le pendant officiel des régulières humiliations et des nombreux lynchages ou crimes dont sont victimes de jeunes gays.
Ça se passe à Moscou. Anton et Vlad circulent sur un boulevard et assistent de loin, et sans intervenir, à une agression. Ils apprennent quelques jours plus tard qu'un jeune homosexuel a été tué. Anton décide d'enquêter.
On croit aussitôt à ce couple et à l'amour qui le nourrit. L'assise du film est là, celle qui légitime la fiction, son ancrage dans la réalité, ses envolées romanesques. Le récit se construit par strates et donne toujours le sentiment d'une grande simplicité narrative alors qu'il se densifie sous nos yeux. Dans son obstination, Anton ne voit pas tout. Dans la manière dont nous le suivons, nous occultons des détails. Stand est aussi un film d'angoisse et de suspense, un thriller sec et stressant.
On retrouve tout le cinéma dans Stand. La mise en scène de Jonathan Taieb combine captations brutes et ellipses, pauses salutaires, accélérations brutales. Donnant toute sa puissance au hors-champ, elle resserre constamment le récit. Mieux, faisant de la voix-off un personnage à part entière, le scénario construit un récit à deux entrées, Anton d'un côté, la voix-off de l'autre. Narrative mais pas que, reprenant à son compte le questionnement existentialiste du film, la voix que l'on entend nous donne d'autres clés de compréhension.
Le film avance et nous happe. Conduit par le regard d'Anton, magnifiquement incarné par Renat Shuteev, la caméra tour à tour subjective ou immersive puis lointaine, le spectateur est capté, captivé, emporté par un récit poignant, fort et puissant.
Le dernier quart d'heure alterne avec audace deux styles contrastés. Pris au ventre puis tétanisé, on reste sur le flanc, s'interrogeant sur la scène finale assommée de Wagner, l'emphase assumée comme un pied de nez aux rêves de Grande Russie de Poutine, reprenant à son compte les symboles et les statu(r)es avec une insolence rageuse.
Jonathan Taieb signe le film le plus puissant de ce premier semestre. Pur récit de fiction inscrit dans une réalité anxiogène, cinéma d'urgence et de catharsis capable de nous rejouer une scène du Mépris, nous vriller les tripes et nous bouleverser, Stand fait aimer le cinéma.