Picard a son nez sur une soudaine insurrection.

Comment se faire des ennemis facilement, ici en 10 mots : « Vous trouvez pas que Star Trek Insurrection est sous-estimé ? »

Bon, il n'est pas si sous-estimé que ça : on a à faire qu'à un film sans grandeur, un petit produit de science-fiction humble qui ne pourra faire date, mais c'est déjà un véritable produit Star Trek, avec les ambitions humanistes et intellectuelles qu'avait déjà la série TNG. Picard s'insurge contre un amiral qui s'est allié aux Son'a qui veulent déporter le peuple Bak'u hors de sa planète pour puiser ses ressources, lesquels pourraient étendre la vie des hommes. La Fédération, sous des couverts humanistes, se rendrait ainsi coupable de colonialisme. C'est pour ça qu'il lui a été reproché de n'être qu'un épisode de Star Trek transposé au cinéma, il récupère des thèmes abordés dans la série source : la directive première, le respect des autres cultures, la découverte de l'autre, un petit sel de questionnements politiques, en s'inspirant d'idées et de questionnements trouvés dans quelques épisodes mais en particulier dans l'épisode "Terre promise" saison 7, jusqu'au personnage de l'Amiral qui sert d'antagoniste (on comprend pourquoi tous les capitaines veulent fuir ce rang dans Star Trek vu qu'il est bourré de la lie de la Fédération). C'est un peu un remix, mais jamais la série n'avait montré une situation où la Fédération tentait effectivement l'exploitation colonialiste de ressources ; la série montrait Picard devant déporter des peuples de leurs planètes mais toujours pour permettre leur survie une planète en proie à la destruction. Il y a aussi une histoire de jeunesse éternelle et de redevenir jeune dans sa tête mais j'avoue que cette partie là m'a moins intéressé. Rien de nouveau sous le soleil donc ?

Ah oui. Star Trek Insurrection s'est délesté de quelques défauts qui baissaient les films précédents, le plus gros étant le fan-service. Il est pratiquement absent du film ce qui le rend, pour une fois, accessible. Enfin dois-je dire, ce n'était que le troisième film après tout. Posez donc la question à mon moi du passé, qui vous salue à nouveau, et qui a regardé celui-là sans connaître l'équipage de Picard : tout était clair comme de l'eau de roche sans trace de gaz. Alléluia. De manière similaire, le script se montre capable de présenter les personnages de manière efficace, d'établir des scènes d'exposition avec clarté en les intégrant avec grande fluidité dans le déroulé, et d'établir une structure réussie, précise, sans rien qui dépasse, des concepts introduits au début trouvent leur réponse plus tard, c'est organique et tout, avec des éléments qui ne sont pas introduits de nulle part et qui servent à la progression du film. Même quand le film fait des appels de pied au lore, suggérant un conflit dans lequel la Fédération s'est engagé, et situant un régime faisant face à de grandes difficultés en référence à Deep Space Nine qui en était à sa septième et dernière saison à la sortie du film, tout est clair, concis, et sans précisions inutiles pour qu'on comprenne les enjeux efficacement. C'est un effort à souligner, car cet effort, aucun des films TNG précédents ne s'est permis de le faire. Ça a beau être le minimum syndical qu'on demande à un script de cinéma, le coup de l'holodeck balancé en milieu de Premier Contact de nulle part et qui en plus est capable de tuer, je m'en souviens encore. Donc, déjà qu'Insurrection soit capable de présenter une histoire ne serait-ce que de qualité minimale et accessible, c'est déjà très bien comparé aux précédents films.

C'est ensuite un épisode long de Star Trek, et ce problème a les défauts de ses qualités. Son récit de combat contre le colonialisme est bien plus proche des objectifs que s'imposait la série, quand bien même ça reste simple. C'est d'ailleurs le seul film qui met en jeu le fonctionnement de la Fédération même brièvement. Ici montré avec un peu plus de nuance, puisque l'objectif est de porter l'affaire au grand public pour amener le gouvernement sur la table de discussion plus que pour y mettre fin définitivement ; la Fédération n'est pas diabolisé mais n'est pas plus montrée comme une entité suprêmement bénéfique. Ça essaye d'avoir un peu de profondeur ce que n'avait pas le précédent, lequel ne pensait qu'en trois dimensions. Ce n'est pas non plus sans concepts intéressants. Utiliser l'holodeck pour gruger les colons, quand bien même l'idée est reprise de la série, est bien trouvée dans le contexte, et la grand bataille du film consiste en une déportation forcée à base de téléporteurs, quoique ça reste filmé platement.

Pourtant c'est le film le plus détesté de la saga. Les profanes lui reprochent d'être un film pour les fans (!), mais ceux-ci n'apprécient pas plus le métrage. Mais le principal défaut du film semble bien être dans son manque de souffle. Frakes prouve à nouveau qu'il est un réalisateur niveau télévisuel sans plus. Ça ne ressemble à rien de plus qu'un épisode long de Star Trek, de facture simplement correcte. Ce qui fait que je préfère Insurrection parmi les quatre films TNG n'est donc pas tout à fait du à ses qualités internes, c'est strictement contextuel à ces films. Si Insurrection a moins de souffle que Premier contact, au moins réussi-t-il à le ménager et à rester constant jusqu'à la ligne d'arrivée, là où son prédécesseur le gaspille n'importe comment pour finir étendu sur le trottoir en attendant que son pote le clodo alcoolique lui apporte à boire pour se reprendre. Plus largement, ça n'en fait qu'un petit film avec peu d'originalité mais compétent, et même si il reste en-dessous de la saga sous Kirk, c'est le film TNG le plus solidement construit, et le seul parmi eux que je trouve plaisant à voir.