Stardust Memories par obben
A l’aube des années 80 et après Intérieurs et Manhattan, Allen poursuit la métamorphose de son cinéma avec un Stardust Memories qui apparait non seulement comme un bilan à la fois critique et bienveillant de sa première partie de carrière mais aussi comme le film définitivement le plus intime de son auteur. Le personnage principal du film, un réalisateur de comédies luttant pour changer son image et créer des œuvres plus personnelles (et donc, « sérieuses »), est l’évidence même de discours à la première personne. Allen s’exprime ici librement, dénonce l’attitude des producteurs mais aussi du public qui ne parvient pas à se résoudre à suivre l’évolution d’un metteur en scène au lieu de le harceler pour qu’il répète sans cesse le même schéma humoristique. Mais le réalisateur lui-même n’est pas en reste et offre une nouvelle perspective à se thématiques bien connues : enfance décortiquée (la figure maternelle semble, pour une fois, non pas être dénigrée, mais est au contraire, vue avec beaucoup plus de tendresse, Allen avouant à demi-mot qu’il est un cas typique de « fils ingrat »), égo surdimensionné, starification, incapacité de sentiment amoureux sincère (à travers ses conquêtes, c’est avant tout l’image de lui-même qu’il aime), réflexions métaphysiques anxiogènes et invivables pour lui comme pour les autres… Le film est avant tout une excellente auto-analyse témoignant d’un recul et d’un second degré assez impressionnants. Si on peut craindre un ton trop pesant, c’est oublier la volonté d’Allen de ne jamais se prendre réellement au sérieux. En distillant au fil de son film quelques parenthèses plus légères (l’hilarant « remake » de Frankenstein, par exemple), il aère grandement son film et témoigne de son toujours incroyable sens de l’humour, comme s’il voulait en même temps répondre à l’attente de ses fans. Entre autres choses (le film est tellement riche qu’il y aurait encore beaucoup à dire), l’esthétique du film n’est pas à oublier. Magnifiée par la photographie en noir et blanc de Gordon Willis, la mise en scène est assez somptueuse, en particulier lorsqu’elle s’attarde sur les femmes, Jessica Harper mais surtout la sublime Charlotte Rampling ; rares sont les femmes à avoir été aussi bien filmées au cinéma.
Le dernier plan, délicat et mélancolique, résume à lui seul le film tout entier et sonne alors comme une dernière confession : Allen, solitaire, errant dans une salle de cinéma vide, probablement son unique véritable amour.
PS : Ayant vu, depuis, Huit et demi, il apparaît évident qu'Allen propose ici sa vision du film de Fellini. Loin d'un simple remake, il s'agit à la fois d'un véritable hommage de cinéphile et d'une totale réappropriation, dans la forme comme dans le fond, probablement plus sobre mais tout aussi personnelle.