Accueil glacial au festival de Cannes 1974 pour "Stavisky", qui rassemblera néanmoins plus d'un million de spectateurs en salle.
Ce biopic du célèbre homme d'affaire et escroc d'origine polonaise jouit pourtant de qualités davantage susceptibles de séduire la critique que le grand public, à commencer par la mise en scène classique mais raffinée d'Alain Resnais, qui s'appuie sur une photo un peu floue, des cadrages élégants et une reconstitution soignée des années 30 (bravo aux costumiers et décorateurs du film).
Resnais choisit de privilégier le portrait psychologique de Stavisky, au détriment de la dimension politique, seulement évoquée en arrière-plan. D'ailleurs le lien établi avec le sort de Léon Trotski, et ses conséquences sur la marche du monde, est amené maladroitement - cet aspect semblant juxtaposé au récit, principalement au début et à la fin, de façon un peu artificielle.
De fait, le scénario apparaît globalement assez confus, à l'image de ces flashforwards audacieux qui tendent à embrouiller le spectateur, alors que le procédé est censé éclairer les faits sous un angle différent.
Ce qui m'a plu, en revanche, c'est la célébration d'une époque bénie mais bel et bien terminée, par le biais notamment du discours final du baron, évoquant la boutique "Biarritz-Bonheur".
D'ailleurs Charles Boyer se montre excellent dans ce rôle d'aristocrate ruiné qui partage les folies de Stavisky.
Jean-Paul Belmondo s'en sort bien lui aussi, dans un rôle bien plus ambigu que son personnage habituel, parvenant à faire passer la dualité du héros, escroc sympathique et personnalité déséquilibrée.
Bebel est entouré d'une troupe d'excellents comédiens, parmi lesquels Michael Lonsdale, François Périer, Claude Rich ainsi qu'un débutant nommé Gérard Depardieu.
Je reste dubitatif en revanche sur le choix d'Anny Duperey pour incarner la beauté et l'élégance personnifiée.
Au final "Stavisky" constitue un joli tableau de la société française de l'entre-deux-guerres, qui manque toutefois de rythme et de passion pour s'imposer comme un véritable classique.