Qu'on aime ou pas, on ne peut pas reprocher à « Steve Jobs » de manquer d'audace dans son approche cinématographique ! En effet, tenter de percer le secret de l'homme derrière la révolution numérique en narrant le secret des coulisses avant la présentation de trois différents ordinateurs, de 1984 à 1998, c'était un sacré défi, et je le trouve personnellement plutôt réussi. Alors que je n'étais pas vraiment au courant de cette démarche, je me suis d'ailleurs pris au jeu assez rapidement, la bonne surprise venant également de la grande sobriété de Danny Boyle derrière la caméra (le dénouement excepté), s'appuyant sur la qualité du scénario d'Aaron Sorkin et l'interprétation remarquable des comédiens, Michael Fassbender livrant une de ses plus belles prestations, mais se faisant voler la vedette par une éblouissante Kate Winslet, confirmant qu'elle est, aujourd'hui, avec Cate Blanchett, sans doute la plus grande actrice de sa génération. Reste que sans m'être ennuyé (ce qui est déjà une bonne chose tant le risque était grand) et tout ayant la satisfaction d'en savoir plus sur cet homme ultra-perfectionniste, fascinant et légèrement psychorigide, dont l'ambiguïté est d'ailleurs relativement bien rendue, je n'ai pas été non plus transporté.
C'est que la démarche a donc beau être originale et séduisante, elle limite un peu toute seule la portée du projet et sans doute pas mal d'éléments intéressants de la carrière et de la personnalité de Jobs. De plus, j'ai beau reconnaître beaucoup de talent à Sorkin, je ne suis pas totalement sensible à son écriture. Certes, c'est brillant, incisif, intelligent, mais elle manque régulièrement de naturel et d'émotion, même si le film compte tout de même quelques scènes touchantes et vraiment bien senties. Par ailleurs, l'œuvre parvient sans doute à nous en dire plus sur son « héros » que d'autres biopics nettement plus classiques sur le leur, laissant ici une part de mystère concernant le personnage tout en parvenant un minimum à toucher à l'intime. Bref, malgré
une conclusion un peu trop optimiste et positive
(que la facilité nous rattrape vite, quand même!), quelques longueurs et certains personnages d'un intérêt mineur, voilà donc une œuvre proposant quelque chose de différent dans l'univers très standardisé du biopic, et le faisant plutôt bien : voilà qui est à saluer.