Je ne saurais exprimer convenablement et avec suffisamment de démesure à quel point un film de Park Chan-Wook avec Mia Wasikowska dans le rôle principal avait de quoi m'émerveiller. Si vous avez lu quelques autres de mes critiques, peut-être savez-vous déjà combien j'aime cette actrice. Je trouve qu'elle a une présence et un charme fou, qu'elle est toujours juste et naturelle, qu'elle a un jeu souvent tout en retenu, presque pudique, qui donne un côté ingénu à tous les personnages tarés qu'elle a pu camper.
Alors là, là ! Avec Park Chan-Wook, LE Park Chan-Wook de Old Boy. Je bavais.
Stoker raconte l'histoire d'India Stoker, une jeune fille de 19 ans, dont le père vient de décéder. Mais juste après l'enterrement, son oncle, dont elle n'avait jamais entendu parler, vient vivre quelques jours chez sa mère et elle, dans leur grand manoir aux pièces un peu plus vides et aux murs un peu plus silencieux. Réticente à l'idée de rencontrer le frère de son père qui a été pendant 19 ans un parfait inconnu, elle commence à le trouver suspect. Ou est-ce elle qui ne sait pas gérer l'effet qu'il a manifestement sur elle ?
Il ne faudra pas longtemps pour être fixé : nous sommes bien en présence d'un film de Park Chan-Wook. Scénario minutieusement bien écrit, rebondissements bien sentis, et surtout une véritable ingéniosité dans la composition des plans. Chaque scène, chaque cadrage a fait le fruit d'une réflexion permettant d'aboutir à un rendu fort et porteur de sens. La réalisation est tout simplement exemplaire, fourmille d'excellentes idées.
Les personnages sont, comme le reste, très bien construits, très bien écrits. Le cheminement des relations entre eux, dans cet étrange trio, sont à la fois extrêmes et cohérentes dans le cynisme et la froideur de ce film où la satyre sur la famille tient lieu de pilier principal. Park veut nous montrer que sous les apparences d'opulence, de richesse, d'élégance, n'importe quelle famille peut avoir un lourd secret.
Mais je n'ai pu m'empêcher de noter un jeu d'acteurs en deçà de ce à quoi j'aurais aspiré. Nicole Kidman a une interprétation, je trouve, assez impersonnelle de cette mère de famille qui n'arrive plus à nouer de lien et de contact avec sa fille. Elle n'exprime pas grand chose d'autre que le désintérêt et parfois la colère, quand elle se force beaucoup. Matthew Goode s'en sort plutôt bien, mais ne réussit pas le pari d'être à la fois élégant et glaçant. Quant à Mia, je trouve son jeu moins maitrisé que d'habitude. Il n'est pas rare de la voir jouer des personnes fous, un peu dérangés (Only Lovers Left Alive, Maps to the Stars...) mais il m'a manqué son sourire. Son sourire si évocateur qu'il fait passer toutes les émotions, le saisissant contraste entre la légèreté d'esprit de ses personnages habituels et leur déphasage complet avec le monde qui les entoure. C'est vrai qu'ici, la jeune India est bien plus fermée par ce deuil encombré d'un inconnu venu dormir dans la chambre du dessus. Mais il n'en reste pas moins que sa justesse d'interprétation est indéniable.
Stoker, à l'instar de la plupart des films de Park, fait preuve d'une technicité et d'une ingéniosité incroyable. Très étrangement, je ne considère pas que ce soit son meilleur. Par contre, c'est bel et bien son préféré.
Est-ce que je conseille Stoker ?
Oui, regardez Stoker. Regardez Old Boy. Regardez Mademoiselle, Lady Vengeance.
Regardez Park Chan-Wook.
A mon sens, l'un des meilleurs réalisateurs de notre époque.