La Corée du Nord envahit doucement Hollywood. Après que Kim Ji-woon se soit planté en beauté avec son Dernier Rempart plus que quelconque, c'est au tour de Park Chan-wook de mettre en scène son premier long-métrage américain. Mais contrairement à ses confrères, le réalisateur de Old Boy ne va pas sombrer dans la facilité du blockbuster lucratif et va au contraire nous livrer un thriller psychologique intimiste, enivrant voire déconcertant, une petite perle qu'on ne voyait pas venir, un tout autre film certes inégal mais diablement addictif.
Son esthétisme époustouflant, sa mise en scène posée, ses thèmes violents et son goût pour la musique classique, Chan-wook l'a conservé pour Stoker et c'est tant mieux, le réalisateur ne tombant pas dans la facilité américaine comme ses compatriotes. Au contraire, il s'intéresse à une histoire intrigante mêlant à nouveau l'inceste, le meurtre et le mystère autour d'un scénario malin, premier du piètre acteur Wentworth Miller (Michael Scofield dans "Prison Break"). Plongée dans une atmosphère purement hitchcockienne, l'intrigue nous happe et ne nous lâche plus, comme un vaste huis-clos grimpant crescendo vers l'horreur. Et si le suspense est ici présenté de façon plutôt maladroite, la mise en scène captivante de Park Chan-wook et l'interprétation hallucinante du trio d'acteurs nous font vite oublier les quelques faiblesses d'un premier scénario néanmoins passionnant.
Ce trio d'acteurs, c'est la jeune et impressionnante Mia Wasikowska (qui s'émancipe avec grâce de son pathétique rôle d'Alice), le talentueux Matthew Goode (un acteur qu'il ne faut pas cesser de suivre) et la revenante Nicole Kidman, qui tente de nous faire oublier ses récentes bouses. Tous trois arrivent à rendre leurs personnages attachants, détestables, vivants, formant un triangle amoureux impalpable des plus renversants. Plans majestueux, linéarité lancinante, flashbacks entremêlés, musique bouleversante... Le réalisateur met dans le mille pour son premier passage Outre-Atlantique, livrant un film finalement plus anglais qu'américain tout en gardant en lui son talent (et donc sa patte) typiquement coréens. Une surprise de taille qu'il serait dommage de louper.