Ça faisait un moment, depuis La mauvaise éducation en 2004, que Pedro Almodóvar avait délaissé les hommes. Un cinéma d’hommes, s’entend. Et parce qu’il s’était presque exclusivement consacré à des portraits romanesques et générationnels de femmes (certes, il y a eu Douleur et gloire, mais c’était sur un homme, un seul : lui). Quoi de mieux alors pour y revenir qu’un genre masculin par excellence, un genre qui sent bon la poudre et le sable chaud, le crin de cheval et la testostérone : le western. Un genre où les femmes ont rarement eu l’occasion de briller d’ailleurs, et encore moins leur mot à dire. Un genre où on ne voyait pas forcément s’engager Almodóvar (à raison, malheureusement), qu’on sait plus à l’aise dans les drames chatoyants et les polars tarabiscotés (et inversement).
Produit, à l’instar du Lux æterna de Gaspar Noé, par l’impulsion d’Anthony Vaccarello pour la maison Saint Laurent, ce court métrage d’une demi-heure narre les retrouvailles, vingt-cinq ans après, de deux cowboys tueurs à gages et anciens amants : l’un est devenu shérif et doit arrêter le fils de l’autre, recherché pour meurtre. Et si l’un est tenu par son devoir moral, et l’autre par son instinct de père, les deux restent tiraillés par la passion qui les enflammait alors. Le problème, c’est qu’Almodóvar s’est visiblement trompé de format, concoctant un récit bien trop étoffé pour celui d’un simple court métrage. Strange way of life offre ainsi plusieurs lignes narratives intéressantes qui, de fait, se retrouvent fauchées dans leur élan. Ne sont que lettres mortes.
L’histoire de Jake et de Silva commence à peine que le film se termine déjà. En termes de frustration, ça se pose là. On ne saura donc pas grand-chose de leur rencontre ni de leur amour de jeunesse (sinon une brève scène d’étreinte avinée), de leur amour à venir ni de leurs désirs profonds, mais refoulés dans un univers machiste faisant peu cas des sentiments entre hommes. Almodóvar n’approfondit rien, s’oublie dans une surcharge de mauvais dialogues, et, un comble quand on connaît sa filmographie, s’échine à créer une sensualité qui, ici, s’avère bien fade. Et puis bon, Ethan Hawke et Pedro Pascal qui s’enlacent, s’embrassent et se dévorent des yeux, ça méritait davantage que trente petites minutes chagrines. Ça méritait un long métrage. Et flamboyant, le long métrage.
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