Deux plaisirs naissent et grandissent en parallèle quand on regarde Sugar man, celui de suivre un documentaire palpitant, et celui de découvrir la musique d'un grand artiste, Sixto Rodriguez.
Il ne faut rien en dévoiler, sauf que Searching for sugar man est construit en deux parties. La première retrace le parcours incroyable de la musique de Rodriguez, produite à Detroit dans les années 70, entendue par personne, devenant la bande son de la jeunesse blanche sud africaine opposée à l'apartheid, et transformant son auteur en mythe, mythe que deux passionnés vont chercher à retrouver - vu que l'intéressé n'en a rien su. L'évocation historique, tout comme l'enquête elle-même, s'avèrent particulièrement passionnantes. Le contexte socio-politique reliant Detroit à Cape Town, dans un récit tout simplement extraordinaire, nous est narré de telle manière que lorsqu'on "découvre" enfin Sixto Rodriguez, qu'il donne enfin son premier concert en Afrique du Sud en 1998, devant des milliers de personnes, nos poils se dressent d'émotion. Nous partageons l'immense joie des spectateurs. C'est une expérience tellement rare au cinéma, qu'il est bon de le souligner.
Faisant alors connaissance avec l'artiste et l'homme, le père également, que fut et qu'est toujours Sixto Rodriguez, le récit ne quitte plus le registre de l'émotion. Pas de ressentiments cependant, pas de regrets dans les paroles d'un homme qui fait presque l'effet d'un sage, pas davantage dans celles de ses trois filles, toutes admiratives de leur père, toutes reconnaissantes de l'éducation qu'il leur a prodiguée. Si l'on comprend bien vite que certains se sont fait de l'argent sur le dos de Rodriguez, le film n'offre qu'un maigre éclairage sur des investigations qui n'ont manifestement pas pu, sur ce sujet, aller jusqu'au bout.
Humble et admirative sans verser dans l'hagiographie, la mise en scène de Malik Bendjelloul prend appui sur la musique de Rodriguez pour accompagner des images sobres, des témoignages riches, suivant le parcours atypique d'un artiste constamment élégant, qui aurait dû avoir la carrière de Lou Reed, Jagger ou Bowie. Mais comme nous ne le découvrons que maintenant, nous n'avons rien à regretter. Sa musique sonne à nos oreilles et à nos cœurs de manière tellement évidente, tellement familière, qu'elle nous accompagne déjà. Il faut l'écouter et l'écouter encore.
Le film est sorti en décembre 2012 mais n'est projeté à Nantes qu'en ce moment. Il aurait à coup sûr trouvé sa place dans le top 15 de l'année 2012, sans doute même le top 10... À l'image de l'artiste qu'il nous fait découvrir, le voilà placé un peu à l'écart, comme en exergue, et ça lui va bien.