Le pari de Malik Bendjelloul est de prendre à revers son spectateur. Et ce dès le début. « Attendez, vous osez aimer le blues, prétendre tout y connaître, et vous ne connaissez pas Sixto Rodriguez ? » Voilà ce que semble nous dire d’emblée le réalisateur. Et le spectateur de se faire tout petit, honteux. Mais voilà qu’en fait on nous annonce que la planète terre, tout comme nous, est passée à côté de cet artiste dont les sublimes accords et la voix torturée (que le docu fait justement découvrir) emplissent toutes les scènes. Toute la Terre, sauf en Afrique du Sud, où commence l’enquête. Car il s’agit bien là d’une enquête, et rarement plus passionnante, plus joviale n’en aura été faite en documentaire : cet artiste raté, inconnu de tous, se serait donné la mort, sur scène. Les versions diffèrent, la fin de sa vie est très floue ; c’est cela qui titille le réalisateur qui parvient à transmettre ce titillement à son spectateur et à l’emmener aux quatre coins des Etats-Unis à la recherche de la vérité. Nous entourant de ses proches, de ses producteurs, de fans, de collectionneurs, il tente de répondre à de nombreuses questions et de résoudre ce mystère : « Mais qui est Rodriguez ? ». Pendant une heure et vingt minutes trépidantes qui filent à toute vitesse, le spectateur est baladé tel un pantin de rebondissements en rebondissements. La vérité sur cette joyeuse enquête est loin d’être celle que l’on suspectait et sa superbe conclusion, heureuse, émouvante et forte, fait de ce Searching for Sugar Man un sommet de documentaire musical, qui ne donne qu’une envie : de rendre à ce musicien manqué les honneurs qui lui sont dus.