Ca s’annonce comment ?



Bien, s’il y a bien un film qui m’a fait craindre le pire à son annonce, c’est peut-être celui-là : Suicide Squad de David Ayer.
Dans un univers cinématographique en phase de construction – il ne compte alors que deux films dont un qui attend encore sa sortie – Warner Bros parvient à intercaler entre ses superman et Wonder Woman un véritable ovni. Suicide Squad verra le jour, si,si. Un film sur une équipe de super loosers super méchants dont beaucoup sont encore inconnus du grand écran et du grand public. Pire, les premières photos montrent des costumes pitoyables que la presse aura vite fait de critiquer. j’en lis ainsi pas mal qui jugent les effets biens plus cheap que ce qui est fait jusqu’alors pour les autres films estampillés DCEU. Le ton est donné : Suicide Squad serait-il un film DC discount ?


Les mois vont s’écouler entre l’annonce du film et sa sortie, de longs mois d’attente qui vont être accompagnés d’une logique markeeting de celles qu’on voit pour tous les blockbusters actuels :
on nous a canardé d’infos en continu, histoire de maintenir l’intérêt et de le faire grandir. En premier lieu c’est Jared Leto qui fait parler de lui, spoliant même le reste du casting : il est barge en tant que Joker, nous dit-on, il joue de mauvais tours à tous ses collègues et fait peur à son réalisateur !


Le tour de passe-passe sera effectif avec une Bande annonce magistralement montée au rythme de Queen. Suicide Squad n’est plus le film de la honte annoncé, il est un futur succès qui arrive à grand pas et va faire un grand fracas !



Warner Vs DC ?



Tout n’est pas gagné pour la Warner, qui sort en Janvier son Batman V Superman. Un film accueilli par la critique comme une bourre monumentale. Le film est une catastrophe critique, malmené par tous comme si c’était un jeu à la mode. Tout le monde doit y jeter sa pierre, nul ne le défend, nul ne l’aime. Ses acteurs eux-mêmes l’accablent.
Pas assez d’humour, nous dit-on en cœur, pas assez de couleurs !
Je suspecte pas mal un effet de groupe autour de ce film : il est mauvais, il y a un consensus, il faut qu’on le trouve mauvais aussi !
Le film n’était pourtant pas si mauvais et les critiques schizophrènes qui l’accueillent à bras ouverts dans sa version allongée ne sont pas sans me complaire dans mon analyse.
Cependant les critiques sont bien passées par là et avec n'ont pas manqué de baliser son chemin vers l’échec (relatif) au box-office.


Comment va faire la Warner ? lit-on partout comme si elle était au bord du cataclysme. Le marketing n’est dès lors plus maitrisé ; si le joker fait toujours parler, ce seront les tensions au studios, les galères avec Snyder et j’en passe qui seront mises en avant.
Et si on achevait le tout en annonçant des reshoots ?


Il n’en faut pas plus à la presse pour affirmer que le film repart en tournage pour ajouter de l’humour, ce qui fera le pain des critiques, des mois plus tard, et ce malgré les démentis de son réal.


Le film sort enfin et on observe un cirque assez semblable que celui accompli pour le précédent film DC/warner : les mauvaises critiques pleuvent, se citent les unes les autres, se reprennent et accablent le film. On lui reproche pêle-mêle son montage – qui montre pas mal de scènes ajoutées « ostentatoirement » et artificiellement (tiens, tiens) – mais aussi son manque de sérieux (On disait l’inverse pour Batman V Superman, dont on regrette aujourd’hui le ton ?!).
Comme pour le film de l’homme d’Acier contre la Chauve souris, les acteurs semblent aussi s’y mettre contre leur propre bébé avec un Jared Leto qui déplore son casting, ses scènes coupées et qui n’est pas sans avouer n’avoir toujours pas vu le film ( ?!)


Bref, un même jeu de mouton (que je prends en tout cas comme tel) pour un film de la même maison et contre lequel les principaux arguments, assez vains et surtout étonnamment liés aux informations en continu que nous avons eu sur le film auparavant, ne seront pas sans m’interroger sur une nouvelle mauvaise foi des critiques.


Le montage est mauvais, c’est du Warner qui a fait pression, notamment avec les reshoots pour mettre de l’humour ! Ouais sauf que le réal lui-même revendique le montage et réfute la possibilité d’en voir naître un autre…... Et tout le monde reprochait à BvS de ne pas avoir d'humour !


Qu’à cela ne tienne, je vais aller voir ce film !



"FUCK MARVEL"



Alors ce Suicide Squad ?


On est effectivement loin du punch de la bande annonce. Les costumes font encore très cheap à l’écran, les caractérisation sont peu efficaces, on s’attache à peu de personnages…


Je vais surtout déplorer l’écriture du monstre. Non content de nous balancer un casting en mode éclair (mais avec des « clips » efficaces, pour reprendre le terme qui fait consensus chez les critiques), rien n’est solidement amené. Face à une catastrophe magique qui prend une ampleur planétaire, la Suicide Squad est envoyée… délivrer quelqu’un ?
On crée une équipe que l’on va pouvoir envoyer dans des endroits trop dangereux quitte à les y faire crever ! Envoyons les faire la nounou alors que le monde part à vau-l’eau !
Le (fameux) montage m’aura fait d’ailleurs lever un sourcil lorsque l’identité véritable de l’individu à sauver nous est révélé : on le voit régulièrement au début, jamais à cet endroit, et pourtant… ! Mais surtout, si ce n’est pour souligner sa malfaisance, la présence de ce personnage à ce moment précis n’apporte rien : il se refait capturer tout de go et la team… va botter le cul de l’instigateur du cataclysme. Sans plus parler de l’individu si ce n’est avec une petite scène tierse sensée lui donner de l’importance.


Ce que je souligne là, c’est la vanité évidente de tout ce qui se déroule dans ce film. Rien n’y est solide, tout se déroule assez facilement et sans vraiment avoir de conséquences palpables malgré de quelques bonnes mises en scènes.
La catastrophe ? elle touche finalement tout le globe, mais c’est pas grave, hein.
Le perso à sauver ? Bah il fera coucou à la fin.
Le love interest de Rick Flag ? si ce n’est que les personnes envoutées s’en prenaient à lui (car l’entité malfaisante en avait peur) il ne servira qu’à rejouer en fin de métrage une de ces scènes éculées où l’on croit un personnage mort avant de nous bombarder d’un happy end.
Le fait que Waller aie des dossiers sur tous, manipule tout le monde et j’en passe ? on trouvera bien une place dans une scène post-générique !


L’une des critiques majeures et des plus intéressantes contre ce film est de nous avoir pondu des méchants qui n’en sont pas. Je ne suis pas tout à fait d’accord là-dessus mais je regrette néanmoins la facilité avec laquelle les bougres suivent les ordres. On les entend un peu grogner en début de film mais ils oublient très vite leurs chaînes et ne s’embêtent plus quant à fomenter des plans d’évasion ou de meurtre vis-à-vis de leurs tortionnaires. On a un travail à accomplir, pardi !
Le problème pour moi, là où j’étais heureux de voir un Zack Snyder avoir compris l’essence de ses personnages pour son propre film, est de voir un David Ayer qui ne maitrise rien des siens. En leur opposant une catastrophe aux proportions dantesque, le réal a complétement spolié des personnages qui sont bien trop mineurs dans cet univers et – ce faisant – toute possibilité de leur donner le peu d’intérêt qu’il mérite. Jared Leto jouait le Joker, on ne parlait que de lui avant la sortie du film : qui se soucie de Deadshot, Captain Boomerang et autres ? C’était le grand pari de ce film, mais le réal n’a pas su le relever.


Pire, en misant tout sur son clown pour le markeeting, il a encore plus déçu puisque celui-ci apparait peu ! Trop peu ? non, je ne pense pas. Le joker n’a pas un mauvais dosage en soi et permet simplement de donner de la profondeur à cet univers et à Harley. J’ai même trouvé la logique de l’utiliser en toile de fond, comme le Batman (dont j'ai adoré les apparitions), assez intéressante et intelligente même si je regrette qu’il n’ait pu être une vraie menace pour l'équipe. Là encore : la faute à une écriture trop simpliste.


J’ajouterai que si le Joker et le Bat font un peu faire-valoir d’un univers, les proportions de la catastrophe ne sont pas sans faire poser une question qui a tout lieu d’être alors : Mais où est la JUSTICE LEAGUE ?! Batman et Wonder Woman n’ont pas remarqué une catastrophe qui touche le globe ?!
Preuve, s’il en fallait encore, que l’écriture se montre bien trop paresseuse. Preuve aussi que le film n’a pas misé au bon endroit pour son équipe, qui n’aurait dû prétendre essentiellement qu’à des conflits de moindre ampleur et une mission suicide plus terre-à-terre.


En soi, le film n’est pourtant pas une catastrophe. S'il a des scènes franchement faibles (les différentes gunfights sont assez futiles et longuettes) et un montage qui ne le sert pas toujours au mieux, il présente aussi des scènes assez efficaces, beaucoup qui sont très classiques aussi - parfois un peu trop (hé ! c’est le réalisateur de Fury, quand même, fallait s‘attendre à quoi d’autre ?) - et un humour qui n'est pas si mauvais. C'est un film de super héros avec des personnages aux capacités plus ou moins spéciales qui vont casser la tatane d'un gros balourd qui veut bouffer le monde. Classique. Mais pas mauvais.


Le pari n’est donc pas réussi quant à faire quelque chose de fondamentalement neuf ou transcendant mais le film tient le coup quant à donner de l’action, des effets spéciaux et j’en passe. Il saupoudre le tout d’une B.o qui met du punch et d’une photographie qui ne le dessert pas, même si cela peut donner des allures assez artificielles. C’est finalement un film lambda de super héros comme un autre, qui essaie de se déguiser pour se vendre autrement. Un film qui vaut bien un Gardien de la Galaxie ou un Deadpool, lesquels avaient finalement une logique bien semblable (space opéra avec du rock pour l’un et film rated R à l’humour lourdingue pour l’autre) et des scénars jamais plus fouillés.


Ce qui me permet une transition en tant que fan de la « Distinguée Concurrence » : je m’offusquais en Janvier de l’accueil donné à Batman V Superman quand j’ai vu les ovations faites à un Civil War à l’écriture des plus passables (bromance et baston), je m’offusque aujourd’hui de celui fait à Suicide Squad quand on voit celui fait aux films précédemment mentionnés. J’ai vraiment du mal à suivre la critique aujourd’hui en matière de films de super-héros (et de blockbusters en général, nan mais franchement le dernier Star Wars ?!) et je suis assez déçu de voir les gens crier au nouveau chef d’œuvre chaque fois qu’on leur sort la même tambouille.


Je ne dirai pas « Fuck Marvel » comme David Ayer, mais j’enverrais bien chier toutes ces personnes qui grossissent le trait quand ils accueillent un film selon la maison qui le produit. Suicide Squad ne me semble pas mériter une telle haine, il n’est pas génial, mais c’est loin d’être la daube qu’on accuse. Pas plus que Civil War ou Deadpool n’étaient de bons films quant à eux.


Enfin et encore une fois, Suicide Squad me semble aussi révélateur d'un abus de notre époque connectée : on vend jusqu'à plus soif, on fait tout mijoter sur les réseaux sociaux et on essaie de faire en sorte de faire apprécier le film avant même sa sortie. Star Wars a parfaitement réussi et est devenu culte avant d'être vu, Marvel ne maîtrise pas trop mal l'exercice non plus. Dc a du mal à se rattraper avec son Batman V Superman qui va entacher encore de nombreuses productions jusqu'à ce que Warner ne sorte un film qui fasse l'unanimité parfaite. En attendant, il se mange et se mangera des retours de bâtons inconsidérés de par des pseudo analystes qui se font une idée d'un long métrage uniquement de par les miettes qu'ils en récupèrent avant sa sortie et durant sa production.
Aujourd'hui on nous bassine tant avec tant d'éléments de productions et j'en passe que nombreux sont ceux qui me semblent penser pouvoir dire ce qui se passe derrière les caméras, quitte à en émettre un jugement. Dommage aussi car nombreux sont ceux qui me paraissent en oublier les films même. Reste que nous partons dans une direction où ce genre de travers s'accentuent quand même pas mal. L'ère des blockbusters se marrie d'une drôle de façon à l'ére des réseaux sociaux.

Jonathan_TJo
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le 21 août 2016

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