L'histoire de Sully Sullenberger et de son amerrissage d'urgence sur l'Hudson est une histoire dont je me souviens bien, et très régulièrement j'en ai des petits rappels, à la télé, ou ici, avec ce film.
C'est une histoire magnifique et spectaculaire, on s'en souvient tous plus ou moins, je pense, mais une histoire qui s'inscrivait dans le moment, qui peut se raconter en moins de cinq minutes.


De fait, il me paraissait difficile d'en faire un film. Je me disais que je connaissait l'histoire par cœur, qu'elle n'était pas vraiment riche, et que j'allais forcément m'ennuyer (aussi parce qu'on ne peut pas dire que le sujet m'emballait. J'aime bien les avions mais pas au point d'aimer les films qui parlent d'aviation).
Mais c'était sans compter sur l'aspect humain. On a beaucoup parlé de Sully comme du héros qui accomplit l'incroyable, mais on n'a pas tant entendu que ça son histoire à lui, et celle des gens qui étaient présents.
Et voilà là la patte de Clint Eastwood, car son dada, c'est l'humain, c'est ce qu'il lui plait de raconter.


Je ne me doutais qu'à peine de la pression qui avait pu peser sur les épaules du pilote après l'amerrissage. Son histoire, on la consomme, elle nous ravit, nous fait sourire ou applaudir mais l'après, on s'en fout. Le film de Eastwood lui rend donc justice et nous montre avec justesse, élégance, et concision ce personnage que je découvre ici, vraiment, avec ses doutes, sa peur de voir sa vie gâchée par le jugement de quelques algorithmes et d'une simulation excluant le facteur humain. Et dans le même temps, avec ce sentiment d'être submergé par tout ce qui lui arrive, par le fait que pas une seule personne n'ignore désormais son nom, sans le connaitre.


Dans un second temps, j'ai beaucoup aimé les scènes détaillant l'amerrissage, parce que la peur de tous est palpable et m'a vraiment pris aux tripes. Il y a un espèce de silence quand ils se rendent compte qu'ils sont en train de se crasher, qui nous happe et nous fait ressentir leur angoisse, puis pour finir leur soulagement lorsque les gardes-côtes arrivent enfin, après ce qui semble un très très long moment. La réalisation est impeccable.


Pour finir : le jeu des acteurs est excellent;Tom Hanks reste l'un de mes acteurs préférés et il est loin de me décevoir ici.


Alors on peut critiquer le fait que le propos et les intentions du film sont assez nébuleux. Pour moi, je l'ai dit, le propos pour ce film est de replacer le facteur humain dans cette histoire spectaculaire qu'on a déshumanisée, au bout du compte, et de replacer au centre de tout ça cet homme qu'on a érigé en héros en oubliant qu'il était juste humain.
Le mot d'ordre du film c'est ça: réhumaniser.


Mais dans quel but? Qu'est-ce que ce film montre du doigt ou critique? C'est assez simple: la façon avec laquelle on s'approprie une histoire, la façon dont on - spectateurs et medias - la "spectacularise", mais aussi le film critique ces grosses firmes qui jugent de façon presque robotique, qui font leur possible pour ne pas perdre d'argent plutôt que de reconnaitre la sagesse du pilote qui à 42 années d'expérience derrière lui. On peut reprocher le côté "tout est bien qui finit bien" cela dit, mais ça, c'est ce qui s'est produit en vrai, on peut difficilement modifier les faits, dans un biopic tel que celui-ci. Il y a dans tout ça une critique du monde moderne qui somme toutes est assez présente dans nombre d’œuvres de Clint Eastwood (je pense forcément à Million Dollar Baby), qui se fait avocat des pauvres et des incompris, des outsiders, et des mal-connus - ces "héros ordinaires" dont l’Amérique se délecte et use comme fournisseurs de gros titres et de reportages à sensation.
On peut reprocher à Eastwood un espèce de patriotisme et son intérêt pour les "american heroes", mais dans le fond l'intention est louable, le but c'est d'essayer de montrer l'histoire sous un autre angle, de façon à ce qu'on ressente de l'empathie, de nous mettre face à l'un de nos défauts, notre soif de la "bonne histoire".
Et aussi embrouillé que tout ça puisse paraitre, ça fonctionne, c'est sa touche perso et il la maitrise. On peut ne pas y adhérer du tout, je peux comprendre que la limite est mince entre susciter l'empathie et tomber dans le pathos, mais pour moi en tout cas ça ne tombe pas dans ce travers.


J'ai redécouvert cette histoire sous un autre angle, un angle résolument humain, je l'ai réentendue différemment - quand il était si facile de tomber dans le piège du récit spectaculaire.


EDIT: J'ai parcouru un peu les autres critiques après avoir écrit la mienne. Je partage assez l'avis de celle-ci : https://www.senscritique.com/film/Sully/critique/112205204 , et les défauts exposés font du sens, je le reconnais, c'est simplement que pour moi ces défauts sont secondaires.

Keagan_Ashleigh
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le 24 juin 2017

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Keagan Ash

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