HSS continue d’avancer de film en film, de conte en conte, avec la même petite musique, les mêmes thèmes abordés mais traités à chaque fois avec des infimes, mais toutefois prégnantes, variations qui empêchent son cinéma de s’épuiser. Pourtant c’est cet effet de répétition, de mouvement circulaire, qui participe à la beauté et au charme de ses films. A l’image de Rohmer on le dit à chaque fois, ou de Woody Allen, HSS met en scène un univers que l’on connait désormais très bien, ses décors, ses personnages, sa musicalité, et que l’on prend plaisir à visiter chaque année. On s’y sent bien, comme chez soi, et en même temps on est parfois pris à contre pied, par certains éléments du récit, par certains choix de mise en scène ou d’écriture.
Après un conte d’été, In another country, et un conte d’hiver, Haewon et les hommes, le cinéaste revient avec un conte d’automne. Comme les deux films cités, mais également les précédents, ce n’est pas un simple constat temporel, le choix d’ancrer son film dans une saison précise joue sur plusieurs tableaux : les choix et décisions des personnages, l’approche des situations, l’atmosphère et la couleur du film.
Dans cet espace temps coincé entre les joies et insouciances de l’été et la mélancolie et la douce tristesse des flocons de neige à venir, les personnages sont pétris d’indécisions, comme les feuilles, changeant de couleur, se recroquevillant parfois et suivant les courants des vents qui les portent.
Depuis quelques films le personnage principal est une jeune fille, HSS décentre donc son cinéma, alors qu’il a souvent semblé en être, lui-même, l’élément central. Celui-ci apparaît, de fait, beaucoup plus féminin dans ses traits visuels et ses accents psychologiques.
Les hommes, ici essentiellement trois personnages (deux professeurs de la jeune fille Sunhi, et son ex, un jeune cinéaste) + un autre qui disparaît rapidement (un autre ex), y sont filmés sous un jour peu reluisant : lâches, menteurs, hypocrites, amoureux transi, pleurnicheurs, … La caméra les saisit de façon souvent cruelle, forçant leurs traits de façon ridicule. Mais derrière cette dureté, on sent pointer une tendresse et une certaine compréhension à travers le regard du cinéaste.
Au milieu de ces trois mâles, il y a Sunhi, la fille-soleil qui les éblouie, les aveugle. Mais, elle aussi apparaît incertaine, instable, avec ses zones d’ombre et ses contours imprécis. A l’image de ce plan du soleil derrière un feuillage, qui vient ponctuer le récit.
Le pivot réflexif du film, la base autour de laquelle s’animent les échanges verbaux et corporels, semble être la connaissance de l’autre et de soi-même. Comme le répètent de façon mi-ridicule mi-robotique tous les personnages, il faut creuser toujours plus loin pour se connaître. Cette pensée très basique, mais néanmoins pas si bête, reflète justement une impuissance des différents individus à explorer en profondeur ce qu’ils pensent et ressentent, et donc évidemment ce qu’ils perçoivent des autres. Ainsi, pour décrire Sunhi, tous utilisent les mêmes clichés, les mêmes formules, l’aspect frontal de sa personnalité, sans jamais parvenir à découvrir ce qui se cache derrière cette façade.
Avec ce nouvel opus, tout aussi drôle que touchant, joyeux que triste, jamais envahi par son aspect théorique et son schéma presque mécanique, Hong Sang-soo ajoute un nouvelle, et très belle, pierre à un édifice de plus en plus passionnant.