Testé complètement par hasard, je suis sorti tout content de ma découverte. Moi, quand un film te montre que le terrorisme c'est autre chose que de la lutte de fanatiques attardés, je suis content de la lutte contre le manichéisme de propagande. Voire contre la critique sociale dessinée en filigrane ... encore faut il la voir.
Ce que j'ai aimé dans ce film c'est qu'il s'agit d'abord d'un film d'action en avance sur son temps. Une attaque de criminels sur un train en marche, un mécanisme de bombe qui sera repris dans "speed", une lutte contre le temps plus qu'une lutte contre des hommes, la part belle faite au jeu d'acteur et des situations plus que sur des scènes d'actions où tout explose (y'a des leçons à tirer ...). J'ai vu une version de 2h30 (il y'en a plusieurs, certaines massacrées par une durée bien trop limitée apparemment), et je n'ai pas vu le temps passer, c'est dire si ce film qui date de plus 40 ans peut encore tenir la dragée haute à ce qui fait de (soit disant) exceptionnel aujourd'hui ...
Mais là où j'ai vraiment aimé le film, c'est sur ce qu'il représente. Et ça m'a surpris de constater avec quelle maitrise le réal' te passe un putin de message social contestataire alors qu'il s'agit d'une bombe dans un train.
Le film débute avec la pose d'une bombe sur un train. Puis le démarrage du dit train. Et le coup de fil anonyme pour prévenir de la présence d'une bombe. Une intro douce mais qui va droit à l'essentiel. Mieux, la pose de bombe montrée au début est en fait celle qui va donner la crédibilité à l'histoire. Les alertes à la bombes étant fréquentes, il faut une preuve que ce n'est pas un canular. Le poseur de bombe explique alors qu'une seconde bombe de même type existe sur un autre train. Il dit sur quel train de marchandise elle se trouve, indique qu'il faut descendre en dessous de 80 Km/h pour qu'elle se déclenche, et précise qu'il devrait vérifier tout ça dans une zone sans habitation dans les 10 km alentours.
Premier point qui passe presque inaperçu: le poseur de bombe a posé une bombe destinée à exploser/prouver qu'il dit la vérité sur un train sans voyageur (sauf deux conducteurs qui peuvent sauter en marche) et parle de la sécurité nécessaire avec une "safe zone". Pour un terroriste qui vient de poser une (autre) bombe sur un train avec 1500 personnes dedans, c'est étonnant.
La narration suit son cours, s'attardant sur l'acceptation de la situation et la gestion de cette vitesse limite de la part de la société de chemin de fer. Puis vient la police qui va faire son boulot (recherche, enquête, empreintes ... ).
Là, le récit commence à prendre forme: un flash back du poseur de bombe pour montrer sa rencontre avec un de ses complices, rien d’exceptionnel ou de fanatique énervé et/ou sanguinaire, seulement une rencontre entre un type qui a du boulot qui croise un poissard qui enchaine les boulots et le chômage et qui n'a que la vente de son sang (Japon et années 70 je le rappelle) pour s'en sortir. De là naitra une amitié, la reconnaissance et l'honneur d'une personne pour celui qui l'a sorti de la merde en lui offrant du boulot et un toit.
Le virage et la critique commence à se dessiner clairement quand, lors de la première tentative de rançon, un cafouillage monstre débouchera sur un drame pendant que dans le train un accouchement en urgence se déroule (scène inutile au premier abord mais qui servira à la fin du film pour illustrer un certain propos). L'occasion de montrer un autre flash back pour illustrer l'intégrité du protégé envers son sauveur, deux personnes qui n'ont plus rien et continuent de lutter autant que faire se peut contre la pauvreté et le chômage.
Plus tard dans le film, d'autres flash backs montreront le chemin vers l'extrémisme, pendant que dans le train le récit montrera la beauté du progrès consistant à donner des ordres derrière un micro (en avance sur son temps, je l'avais dit ...). Là est le retournement du récit, passant du film d'action à une critique sociale de la modernité.
Le propos du réal' se repose sur le train, symbolisant le progrès qui roule sur les travailleurs, exploités et qui finissent par se tourner vers la violence. Pis, il insiste avec l'honneur et l'intégrité (et non pas l'intégrisme) du peuple qui croit à certaines valeurs et vit par elle alors que ça ne fait que les mener à la pauvreté, pendant qu'il dessine un portrait peu flatteur (comme dans tous les films catastrophes) des sociétés importantes ne pensant qu'au profit/leur image. Et je ne parle pas de la police qui n'a aucun honneur et qui s'appuie sur la trahison pour punir qui sortira des rails (sans jeu de mots).
Ça m'a soufflé: sans que je me rende compte, je suis passé d'un film d'action en avance sur son temps à un film à message social (en avance sur son temps aussi quelque part), porté par de très bons acteurs, une descente aux enfers sans surprise sur sa conclusion ... bref, un petit chef d'œuvre méconnu.