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Adamant,

1. nom masculin : diamant, du latin adamas, adamantis

2. anglais adjectif : inflexible, catégorique


Sur l’Adamant est le dernier documentaire de Nicolas Philibert. Je n’avais encore jamais vu aucun film de ce réalisateur ; j’étais malheureusement trop jeune pour avoir vu à l’époque son grand succès Être et avoir.


Outre le fait qu’il a été récompensé de l’Ours d’Or à la dernière Berlinale, mon intérêt pour ce film tient aussi à mon activité professionnelle directement en lien avec le sujet. La coïncidence veut que je travaille actuellement au sein de la structure hospitalière dont dépend le Centre de jour.


L’Adamant est présenté comme une péniche bien que son aspect évoque plutôt une arche de Noé ancrée Port de la Rapée dans le 12e arrondissement de Paris. Le choix de construction d’une structure flottante doit certainement s’expliquer par des raisons très pragmatiques comme le coût de l’immobilier parisien et la difficulté d’obtenir des permis de construire.


Toutefois, il est impossible d’ignorer la portée symbolique de situer sur un navire un lieu rattaché à la psychiatrie. Cette installation rappelle la « nef des fous » : pratique attestée dans les régions du nord de l’Europe qui consistait à isoler sur des bateaux ceux qui étaient considérés comme fous, avant de laisser le bateau descendre le cours des rivières. Les intentions du Pôle Paris Centre sont certainement à mille lieues de cette pratique médiévale mais le documentaire élude à dessein les objectifs qui ont guidé un tel choix.

Nicolas Philibert préfère se concentrer sur les destins individuels de quelques mascottes de l’Adamant. Le documentaire laisse à croire que les patients suivis en centre de jour sont tous musiciens, peintres et écrivains à la fois. En cela, l’Adamant est une sorte d’utopie. Cette représentation est à la fois porteuse d’espoir pour les patients mais elle apparaît en même temps idyllique lorsqu’on la confronte à la moyenne des personnes suivis en psychiatrie publique ambulatoire. C’est le genre d’image qui peut alimenter des comparaisons difficiles à tenir pour certains patients.

Il y a là pourtant une tentative de changement paradigmatique que je cherche à saluer. On met fin à la représentation éculée de l’asile avec ses grands dortoirs aux fenêtres grillagées et à la discipline carcérale. Désormais, les fous sont en ville.

Rassurez-vous néanmoins, ils se rassemblent sur la Seine, dans un microcosme à l’écart du reste de la société. L’institution hospitalière laisse sa place à l’institution ambulatoire. On sent un parfum de paternalisme médical. Chassez le naturel, il revient au galop…


Pourtant au cours des 110 minutes de film, pas une seule fois n’est prononcée le mot « soins ». Il est sans doute présomptueux de croire qu’une structure financée par l’assurance maladie se doive de faire du soin psychiatrique. Le rôle du psychiatre apparaît alors complètement anecdotique voire caduque. Je pense qu’un tel lieu a parfaitement sa raison d’être. Il me paraît toutefois légitime de questionner sa pertinence dans le système de « soins » d’un hôpital, alors qu’il relèverait certainement du milieu social voire médico-social. De plus, le temps s’arrête pour ses habitués ; ils ont l’air enchaînés pour toujours à leur statut de malade. Le but de ce genre de lieu ne devrait-il pas au contraire de promouvoir une projection dans la société en général ?

Pour illustrer mon propos je soulignerai le témoignage à la toute fin du film qui vient mettre en lumière cette contradiction. On perçoit toute la frustration que cette personne ressent de ne pas pouvoir animé à son tour un groupe. Ne serait-il pas plus bénéfique pour elle de s’engager dans une association distincte du système de santé qui demeure qu’on le veuille ou non hiérarchique et dans lequel on est encore loin d'accepter une telle chose ?

Encore une fois, ces préoccupations ne sont pas l’objet du long-métrage, ce qui laisse donc ces réflexions sans réponse à l’issue du visionnage.


Sur le plan purement formel, je dois avouer que j’ai du mal à me sentir émotionnellement investi dans ce genre de documentaire minimaliste sans mise en contexte, sans explication, sans dialectique et dont les instigateurs attendent du spectateur qu’il se fasse une opinion basée sur la bonne foi du réalisateur (voir 12 jours de Depardon).

Il est dit que d’autres films sur le sujet sont en préparation. J’ai l’optimisme de croire que s’y trouveront, sinon des réponses, du moins des explications sur le sens de ce genre de pratiques originales.

Gwynplain
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le 30 avr. 2023

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Gwynplain

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