Jamais évident de passionner pour un sujet aussi complexe et ardu que la guerre du Viêt Nam. C'est ce que réussit avec brio John Frankenheimer pour sa dernière réalisation, téléfilm laissant la part belle aux dialogues sans que nous ne décrochions jamais de ses enjeux politiques ayant tant marqué les années 60. D'autant que l'auteur d' « Un crime dans la tête » n'a pas choisi la facilité : peu de scènes extérieures et aucune de la guerre : nous sommes presque constamment à la Maison Blanche, là où tout se décide à travers les choix d'une poignée d'hommes.
Il y a d'ailleurs toujours une dimension absurde à voir quelques individus prendre des décisions qui coûteront la vie à plus d'un million de personnes, surtout lorsque ces mesures sont loin de faire l'unanimité, comme c'est le cas ici, et que l'œuvre montre remarquablement. C'est simple : nous avons l'impression de sortir plus intelligent et cultivé que nous ne l'étions avant d'allumer la télé, ce qui est évidemment une qualité rare, d'autant que si le Viêt Nam est évidemment le thème central du récit, ce dernier parvient quand même à évoquer pas mal d'autres choses. On se réjouit notamment de voir chaque personnage aussi bien construit, développé, chacun ayant son moment pour montrer sa complexité voire ses contradictions.
Le premier d'entre eux est bien évidemment Lyndon B. Johnson, homme brillant et cultivé qui avait tout pour devenir un grand Président, et dont l'image sera pourtant à jamais lié à cette lamentable guerre, réduisant à l'anecdote des progrès sociaux pourtant essentiels (le Mouvement des droits civiques pour ne citer que lui). Tout n'est que dialogues, échanges, discussions, conflits, réconciliations, et pourtant cela suffit à donner une incroyable densité au sujet, l'intelligence et la précision avec lesquelles sont traitées chaque scène forçant un profond respect. Bref, 165 minutes de haute tenue, aussi fortes que n'importe quelle image montrant la guerre du Viêt Nam dans toute son horreur et interprété par un casting quatre étoiles en état de grâce (Michael Gambon en tête) : le chant du cygne idéal pour un réalisateur de grand talent.