On retrouve l'égocentrisme de Sylvain Tesson, son insoutenable lourdeur, sa platitude. La caméra est obsédée par Jean Dujardin de la même manière que Sylvain Tesson est obsédé par lui-même. C'était un excellent choix du réalisateur si son but était de retranscrire fidèlement l'égocentrisme de l'auteur. J'aurais préféré qu'il prenne un peu plus de liberté sur le récit original, cependant.
Tesson passait 200 pages à justifier son voyage, et rebelote, j'en reprends pour deux heures. Et c'est ça, le problème commun au film et au livre : ça parle sur le voyage mais pas du voyage. Ca t'assène du verbiage inspiré, sans prendre le temps de parler de la source. La caméra ne prend jamais le temps. Elle te balaye des vallées au drone, te fait deux trois plans larges à des spots sympas, mais elle en revient toujours à des plans resserrés sur l'acteur.
Et si on s'oubliait soi-même, ses motifs, ses problèmes ? Et si on arrêtait de construire des phrases sophistiquées pour retrouver la simplicité du moment vécu, et le voyage en lui-même ? Nous n'avons pas besoin de justifications ni de formules toutes faites pour éprouver la beauté. Jean Dujardin prononce des aphorisme alors que la caméra pourrait nous montrer ce qu'il veut dire. Tesson stylise ses sentiments alors qu'il pourrait décrire ce qui les inspire pour que nous puissions les connaître à notre tour.
Cette caméra - elle m'obsède - correspond parfaitement au style de Tesson, donc, mais je ne venais pas regarder du Tesson. Je venais voir du cinéma. On prend La Panthère des Neiges, on supprime la participation de Tesson, et là, on obtient un grand film, une œuvre bouleversante. Tesson, quelque part, c'est un peu le contraire du bon cinéma. C'est pesant, ça parle trop et ça ne montre rien. Et pourtant, ça veut tout dire. Ca jacte, et ça jacte joliment, tuant tout espoir de trouver quelque part le grand mystère.
Faites un meilleur film, tuto :
- Clouez la gueule de cette voix-off
- Ôtez moi cet acteur de votre cadre
- N'évoquez pas incessamment les raisons de ce voyage
- Rendez-nous la vue, l'ouïe, l'odorat, que l'on sente à nouveau ces paysages
- Soyez plus spontanés, plus mystérieux, plus vivants
D'emblée, on connait le passé, le traumatisme, le projet et toute la suite n'est plus qu'un long déroulement duquel on ne peut plus rien attendre, et qui ne nous offre rien, du reste. La majorité des rencontres sont en fait des retrouvailles anticipées. La majorités des évènements sont en fait lié à l'accident et à la convalescence. Ca manque cruellement de vie, pour un protagoniste dont tous les proches disent qu'il est si vivant