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La mer a des reflets d'argent sous la mouise

Le synopsis indique que l'on se trouve à New-York. Nous ne verrons rien de la capitale. Elle restera embrumée tout le film, comme une montagne insouciante en arrière-plan d'un tableau. Parce que la ville debout, comme la nommait Céline; ne semble pas se préoccuper des drames à l'oeuvre là où mouille ses pieds.


Le port de New York ressemble à une infernale enfilade de pontons noirs chancelants sur l'eau, de sombres hangars fumants dont on ne distingue pas le bout, et de quais, industriels, effervescents lorsqu'au petit matin encore embrouillé, les dockers s'agglutinent comme un seul homme, inquiets d'apprendre leur affectation du jour.
La pègre règne dans ce dédale d'entrepôts et de planches de bois inondées, un inextricable circuit pour sa population, un désordre presque invisible pour la justice. Les rares hommes à essayer d'en toucher un mot sont descendus, ou crochetés, les uns après les autres. Johnny Friendly, le bien nommé, est le seigneur de ces berges, il n'hésite devant aucune ignominie pour faire taire les travailleurs. Balance pas ton port. La plupart, las et fatigués, s'en accommodent mais une chute, au sens propre, ainsi que l'amour d'une femme éveillera chez un de ces gars trop longtemps renfrogné, la possibilité d'une libération.
Le frondeur s'appelle Terry Malloy, interprété par Marlon Brando. Il prendra à bras le corps la révolution, aidé par le Père Barry qui fut un de seuls hommes de l'extérieur à oser pénétrer ce monde clos.


Marlon Brando. La légende... Comment autant de charisme peut-il se dégager de cet homme ? Parce que finalement... Est-il si «beau» que cela ? Avec ces paupières qui menacent de tomber, ses balafres, stigmates d'anciens combats de boxes, Cet air moribond de vieux chien malade. Et cette silhouette imprécise, une carrure trapue aux épaules dodelinant plus par désorientation que par un excès d'amour-propre. Et petit en outre, 1m75 au garrot. L'acteur prouve par ce rôle, et par delà sa carrière d'ailleurs, que la classe tient dans une attitude et non dans une liste exhaustive de caractéristiques physiques.


La palette est large chez Marlon Brando, comme son envergure. Il joue dans ce film le raté et l'homme providentiel, le passionné devant les charmes féminins et le frère meurtri par les souvenirs du passé. Quand il n'enfile pas ses vêtements de docker, il traîne sur les toits des quais où il s'occupe d'un fragile colombier, héritage d'un collègue assassiné, et ose à peine concevoir, un horizon plus réjouissant.


Le temps d'une remontrance, davantage qu'une discussion avec son frangin en voiture, il divulguera sa vision de l'ambition lorsque celui-ci le questionnera:



I always figured I'd live a bit longer without it



Qu'il renchérira d'un cinglant:



Do it to him before he does it to you



Oh cela peut sembler apparaître comme une modeste philosophie, néanmoins ces deux phrases, ainsi qu'une autre tirade lors de la même scène, charpentent solidement le personnage. Un homme de peu, mais un homme n'ayant plus le choix de la pauvre routine désormais.
Le caractère enfin délié, faire face.


Sur les Quais d'Elia Kazan est un film coup de poing. Expression souvent galvaudée, elle prend ici une évidence remarquable. Le film sorti en 1955 annoncera tout un renouveau de ce genre à Hollywood, constitué davantage de fibre sociale, de trafics louches et de personnages blessés. Des malfrats scorsesiens à Rocky Balboa.


Marlon Brando lui, crève l'écran, il incarne le gabarit de la résilience, renvoyant à nos yeux grands ouverts, cette dégaine finalement si inspirante, d'un véritable et éternel Héros de Cinéma.

Liverbird
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le 28 janv. 2018

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Liverbird

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