Un mal-aimé de la filmo de Luis Buñuel en particulier par Buñuel lui-même
qui en détestait la fin moralisatrice. D'ailleurs, on sent bien qu'il a fortement rongé son frein en la réalisant, la rendant la plus niaise possible pour être sûr que le spectateur aussi n'y croit pas.
Mais il n'empêche qu'on peut trouver fortement injuste ce mépris car "Susana la perverse" est une oeuvre incroyablement jouissive, qui arrive à faire redoutablement ressortir la perversité en chacun de nous.
En effet, on éprouve un plaisir incroyable à voir une créature diaboliquement sensuelle et diabolique tout court (Rosita Quintana n'a pas du tout à se forcer pour dégager une ambiance hot !!!), après s'être évadée de la manière la plus joyeusement improbable au monde d'une maison de correction, mettre un bordel pas possible dans une hacienda en y allumant tous les mecs qui y habitent et en montant tout le monde les uns contre les autres.
Le réalisateur pervertit dans son oeuvre tous les codes du mélodrame pour en faire une comédie féroce et grinçante où la cellule familiale, dans tout ce qu'elle a de bien-pensante, en prend un sacré coup (un "Théorème" de Pasolini avant l'heure mais en moins intello et en moins ennuyeux !!!), et il ne manque pas d'y inclure pour rendre le spectacle encore plus grinçant et féroce quelques petites scènes très suggestives du genre le blanc d’œuf qui coule sur la cuisse, l'astiquage du fusil, ou encore celle où le propriétaire de l'exploitation touche le haut de la cuisse de la protagoniste alors qu'elle lui fait croire qu'elle a mal au genou.
En toute franchise, s'il n'y a que des personnes aussi neuneus (si on excepte la vieille servante superstitieuse mais pragmatique !!!) que celles qui composent la famille du film au Paradis et s'il y a des créatures aussi charnellement diaboliques que Susana, notre (anti)héroïne, en Enfer, moi je choisis sans hésiter l'Enfer.
Buñuel avec "Susana la perverse" a imprimé une oeuvre qui porte son style bien personnel et inimitable, et a réalisé avec cette dernière, bien qu'il disait le contraire, un très bon cru dans sa filmo.