Suspiria est un film qui ne mettra personne d'accord. Certains le verront comme un chef d'oeuvre, d'autres comme une bouse incompréhensible et prétentieuse. Et dans les 2 cas ils auront véritablement leur bonne raison. Moi même j'étais partagé devant ce film incroyable. Autant dire tout de suite : je n'ai jamais vu le premier Suspiria qui est devenu l'une des références du giallo, ni Call Me By Your Name par le même réalisateur. Cela fait donc 2 handicaps pour dire que ce film est incroyable. Et honnêtement il l'est. Ajouter à cela qu'avant, j'étais toujours une personne qui ne pariait pas du tout sur Dakota Johnson, ce qui faisait que ce film ainsi que le plutôt sympathique Sale Temp A l'Hôtel El Royale que j'ai vu la même semaine était le film de la dernière chance (parce qu'après trois 50 Nuances de l'Arnaque d'affiler, j'avais pas d'espoir). Et au final, oui le film est excellent (pour moi en tout cas) et oui Dakota Johnson est une bonne actrice.
Qu'est-ce que c'est que cette réalisation ?
Luca Guadagnino prend des partis très radicaux dans ce film. Je n'ai pas vu non plus A Bigger Splash (avec Tilda Swinton et Dakota Johnson tiens) du coup, je ne sais pas ce qu'il vaut comme réalisation. Mais là, on voit qu'il veut faire de son oeuvre un film total se rapprochant du Giallo. Ce film est à la fois de l'horreur, une enquête, un rise and fall (sans le fall), un thriller, un film musical, un drame politique, un drame social. Le film prend tous les codes de ses films pour les pousser à l'extrême. Parfois trop tant qu'on ne sait plus qui suivre. A-t-on le point de vue de Suzy ? De Sara ? Du Docteur Kempler ? Ce n'est pas du Cloud Atlas mais c'est à ranger dans cette catégorie. Et non je ne mettrai pas Avengers : Infinity War dans cette catégorie non plus (ce n'est pas une oeuvre totale Avengers : Infinity War). Mais je pense que là où tout le monde va être perdu, ce sont les séquences de rêves de Suzy. Elles ne veulent rien dire en tant que telles. Ou s'il y a une signification, cela symbolise le chaos, et la souffrance sous forme d'art. On voit bien que le réalisateur (italien de surcroît) est fan du film de Dario Argento et à travers ce remake voulait se rapprocher de cet esprit qui caractérisait ce cinéma, tout en nous livrant sa vision de Suspiria. Même la musique fait vraiment peur (composé par Tom York de Radiohead en plus !), certaines scènes sont vraiment sanglantes et d'autres durs (tellement dur que la salle pourtant composée d'adulte étaient agitées. Sérieusement, il n'y a que dans des films d'horreur que cela arrive). Du coup, si on connaît pas l'ambiance de Suspiria, on peut n'être que perdu. Les scènes de danses sont vraiment bien montées et très dures (la première scène a été faite sans le son !). Bref, au niveau de la réalisation, ce film est un pur objet incroyable et total. Parlons des actrices car il y a des choses à dire.
Une femme avec des femmes
Parlons de Dakota Johnson alias Suzy. Elle m'a convaincu. Oublions une bonne fois pour toute cette saga à la con. L'actrice se donne à fond dans ce rôle. Plus que dans Sale Temps à l'Hôtel El Royale. Ce n'est donc pas étonnant qu'elle ait détesté les conditions de tournage. Elle interprète une jeune arrivante qui aura tout de suite les faveurs des professeurs et qui va se transformer au contact de Madame Blanc. D'ailleurs elle est l'archétype même de la jeune première qui tombe dans une école de danse et qui veut imposer sa patte. Mais au final, elle se pliera aux exigences jusqu'à devenir une partie des professeures et ...je ne spoile pas la fin (dite vous qu'elle est similaire à un certain film avec ex- Mr Univers)
En gros elle finit comme Conan
Madame Blanc (Tilda Swinton) est la chorégraphe française la plus réputée. Elle est présentée par une professeur très dure (et maléfique) mais qui nous une relation proche avec Suzy. Dis comme ça on reste dans le classique. Mais elle est bien plus complexe que ça. On voit bien qu'elle manipule Suzy afin de l'offrir à Mère (Malgosia Bela). Il s'agit de la Mère Suspirium (assez marrant vu que la compagnie est proche de la gare de Supiria). Tilda arrive à lui donner une dimension à la fois très dure mais aussi fragile et aimante. Elle confronte sa vision de la danse à celle de Suzy et sa victoire sur elle se traduit quand cette dernière abandonne son approche de l'art. Mais c'est aussi une victoire de Suzy sachant qu'elle a réussi à la faire douter et faire d'être sa fille.
Puisqu'on reste sur Tilda Swinton, parlons de son 2e rôle à savoir Dr Jozef Klemperer. Il a été crédité sous le nom de Lutz Ebersdorf et il y a eu toute une légende autour de cet acteur de 80 ans que personne ne connaissait, jusqu'à que Tilda Swinton a vendu la mèche. C'est vrai qu'au premier coup d'oeil, l'actrice fait illusion mais en y repensant, on voit bien une ressemblance. Tilda Swinton a tellement fait sien le personnage qu'on dirait vraiment un vieil homme (les personnes qui ont douté une fois qu'ils ont vu "l'acteur" à poil dans le film ont vraiment eu l’œil. Oui je n'ai pas l'habitude de voir des hommes de 80 ans à poil). Son personnage est un psychiatre qui suite à la visite d'une ancienne danseuse à savoir Patricia, il enquête sur la face cachée de l'école de danse et se met à comprendre que quelque chose de plus sombre s'y passe. Mais parallèlement, il cherche ce qu'est devenue sa femme depuis la seconde guerre mondiale et se retrouvera confronter à des forces qui vont le dépasser.
Sara (Mia Goth dont, je ne me rappelle plus de son rôle dans Everest mais a joué dans Le Secret des Marrowbone , Nymphomaniac, A Cure for A Live) est l'archétype même de l'amie qui veut que la nouvelle s'intègre et évidemment elle va comprendre que quelque chose ne va pas. Ce qui est assez étonnant est que le film réserve tout un arc où on ne voit qu'elle. A un moment, j'ai bien cru que c'était elle l'héroïne. Mais ça on va y revenir.
Les autres personnages sont plus secondaires :
Patricia (Chloë Morentz) est certes l'enjeu principal du film en plus que le trajet de Suzy Mais on ne la voit que dans l'introduction et à la fin. Elle est traumatisée par son expérience à l'école de danse et sera au départ prise pour une folle par le Dr Kemperer avant qu'elle devienne la quête de Sara.
Les autres professeurs de danses agissent presque comme un seul personnage. Il y a Miss Tanner (Angela Winkler) qui est assez présente tout comme Miss Vendegast (Ingrid Caven) l'effrayante directrice.et Miss Huller (Renée Soutendijk ). Les autres sont présentes. En revanche j'ai eu la surprise de voir Sylvie Testud en tant que Miss Griffith qui est bien comme un personnage témoin de la folie des professeurs
Je spoile déjà, c'est la rouquine discrète qui se suicide
Un petit mot sur Helena Marchos, c'est la tête pensante officielle de la danse et la Mater Lacrymarum et elle est jouée par...Tilda Swinton. Donc l'actrice joue le psy, la danseuse majeure et la méchante qui pousse à la torture ses victimes afin de renaître. Soit dit en passant elle est effrayante.
La trilogie d'Argento en un seul film
Au niveau de l'histoire, ce film est une oeuvre totale mais qui tire dans vraiment tous les sens. Au bout d'un moment il est difficile de savoir ce qu'il raconte vraiment et on est vraiment perdu. D'un coté on suit l'évolution d'une danseuse dans une école de danse assez bizarre, on suit un psy qui enquête sur l'école de danse mais qui recherche aussi sa femme disparue et une danseuse qui recherche son amie elle aussi disparue. Mais contrairement à un Cloud Atlas, il prend le risque de tout mélanger en une seule trame scénaristique. Et ça marche ! Le seul problème est que la surabondance de personnages centraux à suivre et n'évoluant pas de la même manière fait qu'on peut facilement détester le film qui au bout d'un moment veut presque tout dire et ne rien dire. Mais il conserve un équilibre certains et 3 fils rouges : la sorcellerie, la maternité et l'art dans la forme la plus abstraite . Du coup, le film ne fait pas que remake le Suspiria d'Argento mais va plus loin. Dotant plus qu'il référence la trilogie des giallo du réalisateur avec les 3 mères : Mater Lacrymarum pour Mother of tears, Mater Tenebrarum pour Inferno et Mater Suspirium pour Suspiria. Mais jusqu'au bout, c'est Mater Suspirium qu'on suit l'évolution. C'est malheureusement là que ça coince. On ne sait pas à quel moment a eu lieu le retournement qui permet de comprendre le climax, ni pourquoi Mater Suspirium provoque les meurtres de certains personnages et non d'autres
Oui le retournement est que Madame Blanc n'est plus Mater Suspirium mais bien Suzy qui depuis le début est consciente qu'elle peut manipuler des personnes. De plus elle se sert de Mater Tenebrarum afin de tuer toutes les personnes fidèles à Mater Lacrymarum afin de sauver Le Docteur et de permettre à Sara et Patricia de mourir. Mais on peut se dire que les images de la mère de Suzy dont je ne comprenais pas ce qu'elles faisaient peuvent être des éléments de réponses. Suzy
Oui, car le film veut tellement trop en dire qu'au bout d'un moment on est perdu. Ce qui fait qu'on peut facilement le prendre comme une oeuvre prétentieuse. Bref, c'est un film qui est plus à décoder qu'à vivre intensément. Ajouter à cela des scènes très crues (interdit au moins de 16 ans tout de même) et vous serez servis (moi j'étais bien servis dans mon cinéma avec des spectateurs agités. A et dois-je aussi préciser que le film assume son coté féministe ? Sachant qu'il n'y a absolument aucun rôle principal et secondaire masculin au final ?
A vous de juger
J'ai aimé le film et je trouve que c'est un excellent film. Mais comme pour Mother! je ne pense pas qu'une personne aurait tort de détester ce film. Car les défauts que j'ai pu trouver ne sont sans doutes pas de vraies défauts. Du coup, je pense qu'il s'agit d'un film que je reverrai à tête reposée en même temps que le Suspiria original. Comme ça j'aurai un juste milieu. Par contre les mecs soyez prévenus : j'ai vu des choses dans ce film que vous ne pouvez pas appréhender.