C’est toujours avec beaucoup d’appréhension que j’aborde un remake, maudissant souvent le manque d’inspiration des artistes. Pourtant ce nouveau regard sur Suspiria je le conçois, par son approche différente marque allègrement l’envie d’un réalisateur de s’approprier l’œuvre, mais sans parvenir à faire oublier l’ancien. En même temps ce n’est pas ce que cherche Lucas Guadagnino, il sait bien qu’une comparaison se fera, mais peu importe on sent une réelle envie d’explorer l’histoire de Suspiria.


Il y a beaucoup à dire car le film a une vrai patte, c’est une sorte de film sans age. J’ai été assez époustouflé par la qualité de l’image et de la réalisation, se détachant complètement d’un vulgaire remake à la sauce d’aujourd’hui pour inscrire son film dans un autre temps. On retrouve d’ailleurs beaucoup de Dario Argento dans la réalisation de certains plans tout en étant différent. On peut donc dire que l’âme de Suspiria réside dans ce nouvel opus. Pourtant, aussi plaisant que le film soit, il n’insuffle jamais le sortilège que le premier nous avait jeté. La musique entêtante et culte cède la place à une autre ambiance sonore, mais elle ne nous plonge jamais dans une angoisse. Cette version s’efforce de prolonger, d’approfondir un univers sans jamais être plus explicite ; du coup on est un peu perturbé par cette nouvelle réalisation, par ce qu’elle nous apporte de plus.
La danse semble être une des préoccupations, l’imagerie de la sorcière s’y rattache avec un ballet subtil qui tend à l’acte rituel. Sublime dislocation d’un corps qui se décompose pendant qu’un autre danse jusqu’à l’étourdissement. Guadagino offre donc une nouvelle exploration, dans un Berlin sombre gangrené par le terrorisme, souffrant encore des stigmates de la guerre. La dualité entre les deux mères directrices de l’établissement se mue en métaphore entre deux mondes opposés sur la vision de l’avenir, celui d’avant et d’après guerre. La femme a toute sa place, jusque dans les second rôles puisque Tilda Swinton incarne autant la droiture de Madame Blanc (dont on suspecte une allusion à Pina Bausch) que la fragilité du vieux docteur Jozef Klemperer. Lui seul sera le témoin, une sorte de passeur pour que le spectateur s’infiltre au cœur de l’école de danse.
La danse prend donc une ampleur plus grande, inscrivant le mouvement moderne dans une sorte de danse fantasme autour de l’image de la sorcière.
Suspiria souffre malgré tout de quelques faiblesses, sans qu’on s’ennuie il traîne en longueur. Luca Guadagnino lance plusieurs intrigues sans pour autant les exploiter, ou du moins il élude la question en quelques plans rêvés pour se départir de toute explication. J’ai d’ailleurs du mal avec cette évidence de l’horreur quand elle apparaît dans les rêves, surgissement facile mais qui ne fait pas avancer l’histoire ; alors que la scène de maltraitance dans la pièce aux miroirs revêt un impact plus fort.
Et puis il y a cette fin, dans laquelle j’ai eu du mal à entrer, surtout quand la musique pop de Call Me by Your Name vient prendre le relais dans le rite satanique. Il va jusqu’au bout de son processus, mais je préfère la version fantasmée que nous laissait Argento.
Cette revisite de Suspiria a quelque chose d’attirant, c’est certain. Son ambiance froide et sa réalisation l’inscrivent hors du temps, Mais il lui manque ce soupir, cette appréhension qui nous tenait dans la version de Dario Argento.

LuluCiné
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le 27 nov. 2018

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