"Volk" by Thom Yorke (OST Suspiria):
https://www.youtube.com/watch?v=vpULWBT1WEg
Je ne sais que dire sinon que ce fut réellement une expérience dans son sens premier.
Tout d'abord je cherchais à reconnaitre la trame du film d'Argento, mais bien vite je me laissais entrainer dans cet objet étrange à bien des égards.
Premièrement, Suspiria 18 pose réellement les bases de l'époque traitée: 1977, année mouvementée en RFA où il a été question:
- du détournement du vol 181 de la Lufthansa par le Al-Jabhah al-Sha`biyyah li-Taḥrīr Filasṭīn (Front Populaire de la Libération de la Palestine),
- du kidnapping et du meurtre de Hanns Martin Schleyer (Président du patronat Ouest- Allemand , membre du CA de Mercedes Benz et surtout ancien SS au grade de Untersturmführer, soit Sous Lieutenant ) par la Rote Armee Fraktion (Fraction Armée Rouge ou vulgairement La Bande à Baader),
- le fait que le tristement célèbre Berliner Mauer (Mur de Berlin) soit présent dans le film, puisque faisant directement face à l'école de dance, sans oublier que le Docteur Klemperer doit chaque soir passer par le poste frontière pour rejoindre sa demeure de l'autre côté, soit en RDA.
Pour clore le réalisme de fond, la photographie du film renvoie aux films Allemands de l'époque, soit froids et austères (décors compris).
On y croit donc et...ce n'était vraiment pas le cas dans le film matriciel. Mais Suspiria 18 est de toute façon très différent de Suspiria 77. Et c'est tant mieux !
Je profite de ce petit écart pour appuyer que cette cuvée 2018 ne s'inspire que du concept général de l'Argento, donc il n'est même plus question de comparatif ici puisque le 18 est une (quasi) totale réinvention. Pour le mieux.
Et pourtant, j'apprécie énormément le film d'Argento.
Voilà, chapitre clos.
Revenons-en à Suspiria 18.
Le réalisme est donc là, nous l'avons vu. Finement retranscrit à l'écran.
Passons au côté fantastique.
Damn...
Dès les premières images, nous savons que quelque chose ne tourne pas rond dans cette école. La caméra de Guadagnino profite des hauteurs du décor pour s'envoler, planer, se cacher ou ramper dans les méandres de la Tanz Dance Academy. Comme si des âmes désincarnées dictaient la réalisation...ou serait-ce les sorcières ?
Quoi qu'il en soit, une ambiance étrange baigne le film au fur et à mesure de son déroulement: ça peut donc être via le cadre, mais aussi un dialogue, un regard, un rire ou une danse.
La danse.
"Volk", soit Le Peuple...
Danse moderne assez violente dans sa chorégraphie, elle se dévoile tout du long et exprime sournoisement le but final de cette création artistique. Et le tout est orchestré par l'insondable Madame Blanc (la toujours étrange Tilda Swinton).
Remplaçant sans le savoir la bizarre Patricia (Chloe Grace-Moretz, physiquement méconnaissable à mes yeux) qui a des séances chez le Docteur Klemperer (mystérieux Lutz Ebersdorf,
qui n'est autre que Tilda Swinton grimée en vieil homme
), l'Américaine Suzanne Bannion (la belle Dakota Johnson que je découvre réellement, puisque pas voulu voir la trilogie toc 50 Shades of Shit, quelques extraits m'ont suffi) arrive donc comme une offrande dans cette troupe dansante.
Je n'en dirai pas plus sur le synopsis, car Suspiria est un film qu'il faut vivre par soi-même.
Je peux juste dire que plus on avance dans le film, plus on change d'orientation.
On y trouve des scènes graphiques stressantes :
- le calvaire d'Olga qui s'étire au gré de la danse en solo de Suzy,
- la rencontre flippante de Patricia par une Sara perdue dans une pièce annexe de l'école-labyrinthe et
- la danse ultime lors du climax final, qui rappellent un peu les corps torturés par les Nazis pendant la WW II et/ou un hommage/inspiration à la saga vidéo-ludique Silent Hill (avec ces corps pliés en dépit du bon sens,la witchery scene insensée dans les sous-sols, l'apparence grotesque de Mother Helena Markos,
toujours Tilda Swinton grimée en une horrible grosse vieille femme
), mais aussi une détresse palpable (l'enfance de Suzy, le passé douloureux de Klemperer durant la guerre, la folie émergente de Patricia, la révélation de Sara...).
Une expérience, vous dis-je !
Païen, grotesque, flippant, froid, triste, envoûtant, beau et lyrique à la fois, Suspiria est l'un des meilleurs remake jamais fait depuis les débuts du cinéma et sorti de ça, c'est une œuvre vraiment aboutie qui transcende son sujet de par une vision très personnelle de l'auteur.
Qui plus est, le film fait des femmes le sexe fort et des hommes de simples observateurs (Klemperer) à des marionnettes (le duo de flics).
A la fin de la projection, j'ai gardé toutes ces images en tête en me disant que je venais de vivre quelque chose de pas ordinaire...
Trailer:
https://www.youtube.com/watch?v=BY6QKRl56Ok