Suspiria par Nicolas Montagne

Alors qu'à la même époque, des cinéastes comme Spielberg, Hooper ou encore Wes Craven faisaient des films qui choquaient le monde entier à coups de gros effets, Dario Argento, en Italie, faisait un petit film qui allait résonner longtemps dans l'inconscient cinéphilique. Avec Suspiria, il atteignait les sommets de la terreur. Pas la même terreur que dans Massacre à la Tronçonneuse par exemple. Une horreur née de la beauté. Tout, dans Suspiria, est beau, même les meurtres. Le côté psychopathe (avoué) d'Argento ressortait dans des mises en scènes à la fois cruelles et opératiques, comme ce gros plan sur un coeur en train de se faire poignarder ou cette jeune fille maintes fois écorchées par des fils de fer qui l'emprisonnent avant de se faire égorger.

On qualifie souvent les films d'Argento d'opératique (il réalisera d'ailleurs Opera plus tard), et c'est justement parce qu'on retrouve dans ses films à la fois la beauté de l'opéra et sa tension croissante. Dans Suspiria, rien ne lâche le spectateur, de l'arrivée plus qu'étrange de Suzie Banner à la gare de Fribourg à l'incendie final. Le tout baigne dans une ambiance de conte de fées morbides, avec des lumières à filtre bleus ou rouge pour appuyer ce détail. Le traitement du son contribue également beaucoup à l'atmosphère malsaine du film, non seulement avec le thème récurrent des Goblins, mais aussi avec les percussions stridentes accompagnées de cris qui retentissent souvent dans le film.

Et si aujourd'hui, l'aspect plastique du film paraît un peu dépassé pour ne pas être kitch, sans parler du jeu outrancier d'Alida Valli, il n'en demeure pas moins un monument de la frayeur à la gloire de l'art et du beau morbide.